Ali Raza, alias « prince Cyrus », vivait dans un pavillon de chasse sans eau ni électricité concédé à sa famille par Indira Gandhi. / Sanchit Khanna/Hindustan Times

En Inde, un prince a été retrouvé mort, seul dans sa demeure de granit en ruine cachée derrière l’épaisse végétation d’une forêt de Delhi. Ali Raza, ou le « prince Cyrus », comme il se prénommait lui-même, disait être le descendant d’une famille royale qui régna pendant plus de deux mille cinq cents ans sur le fief d’Oudh (Awadh), dans le nord de l’Inde. Des employés de l’agence spatiale indienne qui travaillaient non loin de là, dans une base chargée de détecter les ondes des satellites, ont découvert le corps du prince allongé à côté de son lit en bois. Ils étaient parmi les derniers à le fréquenter. « Quelques jours avant sa mort, il nous avait demandé de lui acheter des mangues et de la crème glacée, a indiqué l’un des gardes du centre spatial indien au quotidien Hindustan Times. Lui et sa famille avaient l’habitude de peu recevoir, sauf parfois des étrangers qui arrivaient dans de grosses voitures. Mais après la mort de ses sœurs et de ses chiens, il y a quelques années, le prince vivait reclus. »

L’annexion de leur fief en 1856 par les Britanniques a marqué le long et lent déclin de la famille royale, l’une des plus fortunées de l’Empire des Indes. Les descendants, éparpillés dans le reste du pays, tombèrent dans l’anonymat, jusqu’à ce que l’une d’entre elles, la bégum Wilayat Mahal, fasse son apparition de manière théâtrale au début des années 1970 dans une salle d’attente de première classe de la gare de New-Delhi, accompagnée de ses deux enfants.

Le dernier palais sans porte ni eau

Pendant sept ans, elle y campa avec ses tapis persans, sa porcelaine de Chine, ses domestiques népalais et ses chiens, exigeant du gouvernement qu’il les reloge dans un palais. Celui qui leur avait été prêté à Srinagar, au Cachemire, en 1947, venait d’être détruit par les flammes et les autorités avaient pris possession des propriétés de la famille. Bien que démunie, celle-ci s’accrochait à ses privilèges. « La bégum a recouvert de tapis persans les murs de ses modestes quartiers, érigé un trône en velours de fortune, et accroché des portraits de famille », écrivait, en 1981, un journaliste américain de passage dans la salle d’attente.

La première ministre Indira Gandhi, qui avait mis fin aux privilèges des maharajas en 1971, accepta finalement de mettre à leur disposition ce pavillon de chasse, perdu dans une forêt de Delhi. L’appartenance de cette petite famille à la dynastie des Oudh n’a cependant jamais pu être attestée avec certitude.

La famille vécut dans son dernier palais sans porte, ni fenêtre, ni eau courante, ni électricité, avec seulement une ligne téléphonique et quelques portraits de la famille royale accrochés aux murs des pièces voûtées. Jusqu’à ses derniers jours, le prince Cyrus cuisinait au feu de bois. La légende raconte que sa mère, la bégum Wilayat Mahal, se suicida au début des années 1990, en avalant ses diamants, qu’elle avait réduits en miettes. Dans leur dernier palais en ruine, il ne reste plus que la bicyclette du prince, une glacière à pique-nique, une radiocassette, une machine à écrire cassée, un sabre rouillé, des cartes de visite de journalistes étrangers et de diplomates, des tapis usés et des sonnets en ourdou du poète Mir Babbar Ali Anis. Le prince a été inhumé, début septembre, dans un cimetière municipal de Delhi. Ce n’est que quelques semaines plus tard, début novembre, que la presse apprit sa mort.