Ce manga destiné aux adultes et parlant de la seconde guerre mondiale remporte la note de 3,5/5 de la rédaction du blog manga du « Monde ». / « Le Monde »

Que sait un lecteur français moyen de la seconde guerre mondiale au Japon ? Souvent une date : celle de l’attaque de la base de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. A coup sûr, l’image des champignons causés par les bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki. Peut-être parfois le souvenir d’un soldat féroce et sans visage porté par l’imaginaire du cinéma américain. Au même titre que la littérature et la bande dessinée européennes, le manga s’est lui aussi largement emparé du thème du conflit mondial. Dans un registre plus ou moins fictionnel, ces adaptations offrent un point de vue neuf sur un chapitre complexe de l’histoire.

L’auteur de « Sous le ciel de Tokyo… », Seiho Takizawa, est un passionné d’aviation. / SEIHO TAKIZAWA

La sortie de Sous le ciel de Tokyo…, histoire en deux tomes dessinée par le mangaka Seiho Takizawa, est assez remarquable au sein des récits de guerre. 1943, l’issue du conflit commence à tourner au désavantage des Japonais, en infériorité technique par rapport à l’ennemi américain, condamnant les soldats à courir au casse-pipe. Parmi les pilotes de l’armée impériale, la colère et l’incompréhension vis-à-vis de la hiérarchie se font sentir. Muté dans un centre d’essais aériens, l’un d’eux, Shirakawa, retrouve une vie de famille à Tokyo, pour l’instant épargnée.

Prépubliée à l’origine dans un magazine spécialisé dans l’aviation, la série est extrêmement documentée sur ses aspects politiques, militaires et aéronautiques. Elle a d’ailleurs côtoyé, dans ses pages, une autre série dessinée sur la même époque, celle d’Hayao Miyazaki qui va préfigurer le long-métrage de 2013, Le vent se lève. Une histoire assez proche, celle d’un couple pendant la guerre, mais peut-être abordée par Seiho Takizawa de manière moins intimiste.

Muté dans un centre d’essais aériens, un pilote japonais retrouve une vie de famille à Tokyo. / SEIHO TAKIZAWA

M. Takizawa, 54 ans, est un passionné d’aviation. Tous ses mangas, une quinzaine aujourd’hui, s’y rapportent. La plupart ne s’adressent même qu’aux férus d’aéronefs. Sous le ciel de Tokyo… parlera, lui, à un plus large public. Si sa marotte est omniprésente dans le récit, le mangaka perd un peu d’altitude pour observer et raconter le quotidien des civils, au sol, pendant la guerre et lors des bombardements, et se livre aussi en quelque sorte à une autocritique de la société à cette période.

Son choix de la traduction française du titre Sous le ciel de Tokyo… reflète volontairement cette démarche : montrer au-delà des pilotes et en dessous des avions. Sans porter un discours larmoyant sur les victimes, sans glorifier des héros de guerre, le dessinateur, ni amer ni revanchard, cherche juste à esquisser le vécu des Japonais, parmi lesquels – comme c’est le cas dans tous les conflits et les pays – il y a des bons, des mauvais, des inconscients, des altruistes… Ainsi l’épouse du héros apparaît-elle centrale dans l’œuvre, permettant de vivre le basculement d’un grand conflit à travers un prisme plus fin, plus humain, plus intelligible.

« Sous le ciel de Tokyo... » / SEIHO TAKIZAWA

Cet effort d’ouverture a plu dans son pays. Habituellement publié de façon très confidentielle, Seiho Takizawa a été démarché, pour cette série, par une plus grande maison d’édition généraliste, Futabasha, avant de rencontrer un joli succès d’estime auprès des lecteurs nippons. Son récit est d’autant plus remarquable que le dessinateur n’a pas non plus oublié les épris de batailles en livrant à pleines planches des combats aériens plutôt rares dans le manga, car difficiles à mettre en scène.

« Sous le ciel de Tokyo... » / SEIHO TAKIZAWA

Sous le ciel de Tokyo…, de Seiho Takizawa, tome 1 (tome 2 à paraître en janvier 2018), éditions Delcourt-Tonkam, 208 pages, 7,99 euros.