Olivier Chiabodo, en juillet 1996, lors d’une émission d’« Intervilles ». / TF1

L’affaire a fait grand bruit dans le milieu médiatique quand, le 25 septembre dans les colonnes du Parisien, Olivier Chiabodo reconnaissait avoir triché, en 1997, dans le jeu de TF1 « Intervilles ». Et ce « plusieurs fois sur ordre du producteur Gérard Louvin ». Licencié en janvier par la Une où il était salarié depuis 2006, l’animateur déclarait, par ailleurs, qu’il avait porté plainte contre X pour « harcèlement moral ».

L’animateur confirmait ainsi ce qu’avait révélé vingt ans plus tôt, Le Canard Enchaîné qui l’avait accusé d’avoir favorisé l’équipe du Puy du Fou (Vendée), en faisant des signes avec ses doigts pour indiquer les bonnes réponses à un quiz. A l’époque « Intervilles » était une grande messe qui réunissait pas moins de 7 millions de téléspectateurs.

C’est cette affaire, et les rumeurs concernant l’existence de possibles fraudes et irrégularités dans d’autres jeux qui a poussé l’Observatoire de la transformation audiovisuelle (OTA), à réagir. Créée en septembre, cette association indépendante qui s’est donné pour mission d’alerter les instances sur les évolutions nécessaires à la pérennité du secteur, de produire des recommandations et accompagner les changements, s’est donc lancée dans l’élaboration d’une Charte d’Ethique. Une charte qui a été soumise aux chaînes afin de les mobiliser.

Relation de confiance

Pour mener ses réflexions et peaufiner son projet, l’OTA avait réuni, mardi 21 novembre, à Paris, plusieurs intervenants dont certains membres du secteur. Olivier Chiabodo a d’emblée rappelé que c’était la relation de confiance entre le téléspectateur et la télévision qui était en train de se jouer : « J’ai porté plainte pour harcèlement parce que depuis vingt ans j’ai été menacé de mort par le producteur, par des gens de la chaîne, pour que, surtout, je ne dise pas ce qui a pu se passer. Cela suscite beaucoup d’inquiétudes sur l’éthique. Peut-être n’est-elle pas toujours assurée et donc qu’une loi est nécessaire pour faire respecter les règles. Sinon on va tuer notre métier ».

Cette mise en garde a été appuyée par Bertrand Daillie, consultant aux affaires juridiques à l’OTA: « Dans un contexte où s’exprime de plus en plus fort un manque de confiance dans l’establishment médiatique, politique et économique, si on ne réagit pas, on le paiera un jour ou l’autre. » M. Daillie qui a travaillé sur la formulation de la charte de déontologie a par ailleurs tenu à souligner que des textes de loi existaient déjà pour réprimer notamment la corruption ou le conflit d’intérêt mais qu’ils étaient peu appliqués dans l’audiovisuel. D’où la nécessité pour lui d’une charte qui puisse permettre de contrôler et de sanctionner.

Animation du jeu « Qui veut gagner des millions » sur TF1.

De plus, face à une concurrence internationale très à cheval, elle, sur les règles déontologiques (édictées à chaque paragraphe de leur programme), la France ne peut plus aujourd’hui se permettre de rester dans le flou, avec des jeux qui autorisent la tricherie. « En France, nous passons notre temps à nous regarder le nombril, en parlant d’exception culturelle française et en travaillant comme des artisans. Or, si vous voyiez la bible du jeu britannique “Qui veut gagner des millions”, et bien, la charte éthique apparaît à chaque chapitre », a expliqué Gilles Camouilly, gérant de la société TV Consult: « Nous pensons que nous pouvons bricoler, que cela passera. En France, le diffuseur et le producteur, dégagés du poids que représente une ambition internationale, n’ont pas le sentiment de mettre en jeu leur business et l’avenir de leur société. A l’inverse des acteurs étrangers qui savent que le diable se cache dans chaque détail et que la moindre erreur peut leur coûter très cher ».

M. Camouilly a enfin souligné que cette charte n’avait pas pour vocation de suppléer au rôle du CSA mais d’initier une prise de conscience et d’obtenir l’adhésion d’un certain nombre d’acteurs afin de faire bouger les choses. « D’autant plus que le CSA n’a pas aujourd’hui d’outil de régulation des flux en général, et des jeux en particulier, a-t-il rappelé. « Tout simplement parce que le jeu n’est pas considéré comme une œuvre, qu’il ne fait pas partie de la création et de l’exception culturelle ».