Des partisans du maire de Dakar lors d’une manifestation en sa faveur, en mai 2017. / SEYLLOU / AFP

L’imbroglio politico-judiciaire n’en finit pas dans l’affaire Khalifa Sall. Le maire de Dakar, accusé de détournement, escroquerie aux deniers publics et blanchiment de capitaux mais élu député le 30 juillet, est convoqué mercredi 22 novembre à 17 heures à une audition devant la commission ad hoc formée par l’Assemblée nationale afin de statuer sur une éventuelle levée de son immunité.

Le problème, c’est qu’il est détenu à la prison de Rebeuss depuis plus de huit mois. « Il n’est donc pas libre de ses mouvements et n’a pas le droit de répondre à la convocation d’une personne autre qu’un juge », rétorquent ses avocats dans un courrier daté du lundi 20 novembre et adressé à Aymerou Gningue, président de la commission ad hoc.

« Un député dont la levée de l’immunité est demandée doit nécessairement comparaître libre devant la commission ad hoc, car le fait d’être en état de détention constitue d’ores et déjà une privation effective de l’immunité et rend sans objet, et même paradoxale, la demande de levée de l’immunité », ajoute le collectif de onze avocats ayant élu domicile au cabinet de Me François Sarr, à Dakar, insistant aussi sur le fait qu’un député convoqué à l’assemblée doit pouvoir disposer d’un « temps raisonnable » pour préparer sa défense. Pour les avocats, la convocation est donc « irrégulière, nulle et non avenue ».

Situation jamais vue auparavant

Khalifa Sall, 61 ans, a mené la campagne des législatives du 30 juillet 2017 depuis sa cellule, sur la liste d’opposition Taxawu Senegall, et a été élu. S’appuyant sur sa nouvelle immunité parlementaire, ses avocats avaient déposé mi-août une demande de mise en liberté d’office en invoquant les articles 61 de la constitution et 51 de la loi organique qui réglemente l’Assemblée nationale. Le procureur du tribunal de grande instance de Dakar, Serigne Bassirou Guèye, s’y était opposé, prétextant l’antériorité de son incarcération qui invalidait selon lui toute possibilité de jouir d’une immunité parlementaire.

Ce dernier avait donc transmis au bureau de l’Assemblée nationale une demande de levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, reconnaissant de fait que celle-ci était bien active depuis son élection aux législatives. « Ils sont pris à leur propre piège », se réjouit une source proche du maire.

« Le gouvernement avait deux options pour atteindre son objectif, qui est d’obtenir une condamnation de Khalifa Sall par un tribunal, ajoute cette source. Soit passer en force, monter un procès mais risquer que le juge se cabre en renvoyant à l’immunité parlementaire du maire, soit faire en sorte que le maire perde son immunité avant le procès. Ils ont choisi la deuxième voie mais se retrouvent embourbés. C’est la première fois au Sénégal qu’on tente de retirer l’immunité parlementaire d’un député élu en prison. »

En l’état, difficile de voir ce qu’il va advenir du député-maire. « L’assemblée, le gouvernement et le procureur se renvoient la balle, confie une source proche du dossier. Personne ne veut prendre le risque de sortir des clous juridiques, alors que les textes sont démunis face à une situation jamais vue auparavant. » De son côté, la commission ad hoc de l’Assemblée n’a pas indiqué de modalité concernant l’audition du maire, à savoir si elle se déplacera pour auditer le maire en prison ou si elle se suffira de son absence.