Le ministre français de l’économie Bruno Le Maire s’entretient avec ses homologues italien Pier Carlo Padoan et espagnol Luis de Guindos lors d’une réunion de l’Eurogroupe, le 10 juillet 2017, à Bruxelles. / JOHN THYS / AFP

De mois en mois, la tendance se confirme : si quelques pays conservent des niveaux d’endettement élevés, les déficits publics dans la zone euro ne cessent de se résorber. Et si la France fait encore partie des moins bons élèves de la classe, Bruxelles la juge désormais avec une sévérité toute relative. C’est ce qui ressort des évaluations des projets de budget 2018 des pays de l’eurozone, rendues publiques par la Commission européenne, mercredi 22 novembre.

Aucun de ces projets n’est jugé hors des clous des engagements pris dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. La Commission estime cependant que six pays lui ont soumis des budgets 2018 présentant un risque de « non-conformité » : la France, l’Italie, le Portugal, l’Autriche, la Slovénie et la Belgique. Leur plan budgétaire « pourrait entraîner un écart important par rapport à leur trajectoire d’ajustement en direction de leur objectif [de déficit public] à moyen terme ».

La Commission craint que les objectifs de réduction des dettes publiques de la Belgique et de l’Italie ne soient pas non plus atteints, alors que, selon ses récentes prévisions d’automne, ces dettes devraient respectivement atteindre 102,5 % du produit intérieur brut (PIB) belge et 130,8 % de l’italien en 2018.

Un effort structurel jugé insuffisant

Concernant la France, Bruxelles est moins préoccupée par le déficit public (le gouvernement table sur 2,8 % du PIB) que par « l’effort structurel » (réduction des dépenses publiques liées aux seules réformes de l’Etat, et non à la conjoncture) proposé par Paris. Selon les règles bruxelloises, le pays devrait réaliser en 2018 un effort structurel de 0,6 % du PIB.

Or Bercy ne propose qu’un « effort » de 0,1 % et les calculs de la Commission aboutissent même à un effort légèrement négatif (de – 0,4 %). Mais cet écart pourrait se résorber dans les mois qui viennent si la France continue à afficher des taux de croissance soutenus (1,7 % du PIB en 2018, selon Bruxelles, qui juge cette prévision très prudente).

Agir sur l’effort structurel est nécessaire, estime-t-on à Bruxelles, pour réduire l’endettement du pays, attendu à encore 96,9 % du PIB en 2018. « Plusieurs Etats membres supportent encore des niveaux élevés d’endettement public, ce qui limite leur capacité à investir pour l’avenir. Ces pays devraient saisir l’occasion qui leur est offerte pour consolider leurs finances publiques, y compris en termes structurels », a souligné mercredi Pierre Moscovici, le commissaire à l’économie et à la fiscalité.

Bruxelles n’a pas pris en compte dans son avis l’invalidation par le Conseil constitutionnel de la taxe française à 3 % sur les dividendes, et la solution proposée par Paris pour compenser le trou de 10 milliards d’euros engendré. La Commission ne se prononcera définitivement qu’au printemps 2018, une fois que l’institut européen de statistiques Eurostat aura mis à jour ses prévisions pour l’Hexagone. L’enjeu ? Si la France ne parvient pas à maintenir son déficit sous le plafond de 3 % du PIB pour 2017 et 2018, elle ne pourra pas sortir l’an prochain de la procédure stigmatisante des « déficits excessifs ».

La donne a changé

Six pays ont envoyé des budgets prévisionnels jugés « conformes » au pacte de stabilité, a également précisé la Commission mercredi : l’Allemagne, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, la Finlande et les Pays-Bas. Et les budgets de cinq autres Etats (Estonie, Irlande, Chypre, Malte et Slovaquie) sont « globalement conformes », avec un risque de déviation (légère) par rapport aux attentes de Bruxelles. Manque la Grèce dans les avis : ses finances sont encore sous perfusion dans le cadre d’un troisième plan de sauvetage arrivant à échéance mi-août 2018.

En novembre 2016, la Commission avait recommandé une légère expansion budgétaire pour l’ensemble de la zone euro. Sa croissance globale était encore trop poussive, il fallait l’entretenir par davantage de dépenses publiques. Du moins dans les pays qui pouvaient se le permettre. Mais l’Allemagne et les Pays-Bas, en excédent, avaient très mal pris l’injonction bruxelloise. Cette année, la donne a changé : la croissance en zone euro atteint un plus haut depuis dix ans (2,1 % en 2018), il suffira de l’accompagner par une orientation budgétaire « globalement neutre », estime la Commission.