Gare de Lyon, lors d’une grève le 1er juin 2016. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

En cette période d’Assises de la mobilité − la vaste campagne de réflexion sur le transport public en France qui débouchera sur une loi d’orientation des mobilités au début de 2018 −, les organisations de tous ordres tentent d’apporter leur pierre au futur édifice. L’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), le syndicat professionnel des employeurs de ce secteur, remet à cette occasion dans le débat public la question de l’encadrement du droit de grève dans les trains, bus, tramways et métros.

Dans l’« Observatoire des mobilités » 2017, dernière version de son étude annuelle sur les déplacements des Français, l’UTP « préconise plusieurs évolutions des textes visant à mettre fin aux abus constatés en matière de grève et de droit de retrait, tout en respectant le caractère constitutionnel de la grève ».

Deux lois – de 2007 et 2012 – encadrent en effet l’exercice de la grève dans les transports de personnes afin de préserver un minimum de continuité du service public, tout en permettant aux salariés d’exercer ce droit. Le contenu des textes (négociation préalable et dépôt de préavis obligatoires, déclaration individuelle des grévistes, information due aux usagers) n’est pas remis en question par l’UTP, qui pointe plutôt du doigt certaines interprétations de la législation et des pratiques abusives qui annuleraient une partie de l’effet bénéfique de ces lois.

« Droit de retrait émotionnel »

L’UTP vise en particulier le droit de retrait, « détourné » à ses yeux et « utilisé à la place du droit de grève », lorsque, par exemple, une ligne entière arrête de travailler après l’agression d’un contrôleur. Ce « droit de retrait émotionnel », selon les termes d’un responsable de l’UTP, entraîne une annulation de service surprise, empêchant les voyageurs de s’organiser pour y faire face.

L’UTP appelle à définir plus précisément ce qu’est le retrait et à sanctionner l’utilisation « illégitime » de ce droit. « Le droit de retrait est attaché à une personne et ne peut être invoqué qu’en cas de danger grave et imminent », rappelle Frédéric Baverez, vice-président de l’UTP et directeur exécutif de Keolis (filiale de la SNCF).

Mais le droit de retrait n’est pas le seul motif d’agacement des patrons du transport. Outre les courtes périodes de grève, inférieures à une heure, qu’ils considèrent comme particulièrement perturbantes pour le service, les dirigeants de l’UTP ont dans le collimateur les préavis de longue durée, voire illimités.

« Stigmatisation des syndicats »

Ces préavis – souvent déposés sans qu’aucun gréviste ne soit enregistré – « peuvent créer des grèves surprises que la loi de 2007 voulait précisément éviter, souligne l’UTP. Il est indispensable de modifier les textes pour que la caducité du préavis soit reconnue lorsque la grève n’est plus collective, c’est-à-dire lorsqu’il reste moins de deux salariés en grève dans l’entreprise. » « Ce sont des grèves de confort, glisse un responsable de l’organisation. Certains salariés en usent pour s’arrêter un jour férié ou un dimanche, alors qu’ils étaient sur le tableau de service. »

Bruno Poncet, secrétaire fédéral de SUD-Rail, ne nie pas que de telles situations existent. « La vraie histoire, c’est que face à des situations de travail dégradées, de surcharge, où on se retrouve seul quand il faudrait être trois, certains collègues utilisent ces préavis pour prendre des respirations, s’octroyer des temps de repos légaux qui ne nous sont pas accordés. »

Plus généralement, les représentants des salariés déplorent une nouvelle « stigmatisation des syndicats ». « La parole négative des patrons se libère, s’indigne Bruno Poncet. La remise en cause du droit de retrait, par exemple, est inacceptable. Plutôt que d’attaquer le mal à la racine, de faire de la prévention sur les lignes difficiles, de mettre du personnel dans les trains, on préfère s’en prendre aux salariés qui se protègent légitimement face à un danger. »