Lu Wei (à gauche) avec Mark Zuckerberg et le président chinois Xi Jinping, en septembre 2015. / Ted S. Warren / AP

Officiel flamboyant, Lu Wei s’est montré au côté des plus grands noms de l’Internet. A Tim Cook d’Apple, il expliquait qu’il n’appartenait pas à la firme à la pomme mais au régulateur chinois de décider quelles données sont privées sur un appareil. Il s’asseyait sans se gêner dans le fauteuil de Mark Zuckerberg lors d’une visite au siège de Facebook dans la Silicon Valley en 2014 et le patron du réseau social – inaccessible en Chine – avait pris soin de poser sur son bureau le recueil de discours du président Xi Jinping.

S’est-il trop mis en avant aux yeux de l’homme fort de Pékin ? A-t-il été rattrapé par des dossiers du passé ou sacrifié dans les jeux de pouvoir du XIXe Congrès qui s’est tenu en octobre ? La commission d’inspection du parti unique n’a donné aucun détail dans son communiqué de mardi 21 novembre, si ce n’est que M. Lu est sous le coup d’une enquête pour « graves violations de la discipline du parti », formule synonyme de corruption et qui a été utilisée pour tous les officiels ayant subi la purge sous Xi Jinping.

Lu Wei avait gravi les échelons au sein de l’agence de presse officielle, Chine Nouvelle, l’un des organes centraux de la propagande, d’abord au niveau local, dans la province méridionale du Guangxi dans le courant des années 1990, puis au siège à Pékin durant la décennie suivante. Il est nommé en 2011 maire adjoint chargé de la propagande pour la capitale avant de monter au printemps 2013, lorsque M. Xi devient président, à la tête de l’administration qui contrôle les contenus auxquels les 700 millions d’internautes chinois ont accès.

Contrôle revendiqué

Même s’il préfère éviter le mot « censure », il revendique le contrôle. Sous son mandat est lancé en 2015 un chant, « L’Esprit du cyberespace », vantant dès les premières paroles : « Avec loyauté et dévotion, nous veillons jour et nuit sur notre domaine, pour servir notre mission à l’heure où le soleil se lève sur l’Orient. »

M. Lu a semblé un temps utile à M. Xi, qui se veut le père d’une nouvelle puissance chinoise, dans une relation d’égal à égal avec les Etats-Unis. Lu Wei avance alors le concept de « souveraineté sur Internet » : la Chine n’aurait plus à rougir de sa Grande muraille du Web et l’Occident n’aurait plus à lui faire la morale. En 2014, Lu Wei avait lancé une conférence sur ce thème, et les patrons du Web américains et chinois s’y pressaient chaque année depuis. L’espoir d’accéder au marché chinois, où de s’y maintenir, justifie bien de faire du zèle : M. Zuckerberg avait demandé en 2015 à M. Xi, devant un Lu Wei souriant, de lui suggérer un nom pour son premier enfant.

En juin 2016, la presse officielle avait annoncé que M. Lu quittait l’Administration du cyberespace de Chine, le ministère du Web, pour devenir directeur adjoint du département de la propagande. Les observateurs s’étaient alors demandé s’il avait du souci à se faire ou s’il hériterait d’une plus belle promotion lors du XIXe Congrès du PCC, à l’automne 2017.

Le congrès est passé. Lu Wei a été vu à son dernier jour, le 24 octobre, non pas dans la capitale mais dans le bastion révolutionnaire de Yan’an (centre), où il enjoignait les cadres locaux à « se soumettre à la vision du dirigeant Xi Jinping ». Quelques jours plus tôt, déjà, lors d’une visite au Zhejiang (est), il n’était reçu ni par le secrétaire du parti ni par le gouverneur de la province.