Des soutiens à Emmerson Mnangagwa, le 22 novembre à Harare. / Ben Curtis / AP

Après quinze jours de crise, le président du Zimbabwe Robert Mugabe a démissionné, mardi 21 novembre. Son ancien vice-président, Emmerson Mnangagwa, dont le limogeage par M. Mugabe est à l’origine du coup de force de l’armée, devrait lui succéder. Selon le groupe audiovisuel public ZBC, il sera investi vendredi.

Celui que l’on surnomme « Le Crocodile » avait quitté pour des raisons de sécurité le pays peu après son éviction du gouvernement le 6 novembre. « Je reviendrai », avait-il affirmé dans un texte diffusé quelques heures plus tard.

« Le crocodile »

Emmerson Mnangagwa est le pur produit d’une génération qui s’est forgée dans la lutte anticoloniale, avant de poursuivre ses travaux pratiques de brutalité dans les coulisses du pouvoir zimbabwéen. Pour le Crocodile, ce fut presque toujours au premier rang. On ne lui connaît aucune faiblesse, aucune tendresse.

Il a été l’un des premiers adolescents de la colonie nommée Rhodésie à rejoindre la chimurenga, la lutte de libération. Entraînement en Tanzanie, en Egypte, puis à Nankin, en Chine, où il a été formé au renseignement, la passion de sa vie. Rejoignant le bush, il est membre d’une unité du « gang des crocodiles », ainsi nommé en raison du tatouage qui orne le bras de l’un de ses héros, Sipho Ncube. En 1964, ils font sauter une locomotive dans la gare de Masvingo, se font prendre. Il est torturé, suspendu la tête en bas, battu interminablement. Il n’a que 18 ans, perd l’usage de l’oreille gauche, échappe à sa condamnation à mort, finit en prison. Là, il rencontre Robert Mugabe, ce petit homme de fer qui passe son temps à accumuler des diplômes par correspondance et à organiser la résistance contre les forces coloniales.

Secrétaire particulier de Mugabe

Une fois dehors, ils filent reprendre la lutte armée, côté état-major cette fois, au Mozambique. « ED » sera le secrétaire particulier de Robert Mugabe, avant de partir faire son droit en Zambie. A la libération, il devient le patron des services de renseignement, puis l’homme de confiance de Mugabe quand le régime a besoin de frapper. Dans les années 1980, lorsque la division Gukurahundi, entraînée par les Nord-Coréens, se déchaîne sur le Matabeleland pour y écraser la dissension d’un parti rival, la ZAPU de Joshua Nkomo, Emmerson Mnangagwa est à la manœuvre. Sur le terrain, où on comptera plus de 20 000 morts, les officiers qui opèrent seront, justement, les chefs de l’opération des jours derniers à Harare, à commencer par le général Chiwenga.

On retrouve les mêmes noms, toujours, dans les épisodes suivants. 1998 : guerre en République démocratique du Congo (RDC). Le contingent zimbabwéen vide les caisses de l’Etat, mais ses chefs et commanditaires mettent la main sur les diamants du Kasaï. Ils deviennent riches, se rient du rapport des Nations unies qui met le pillage en lumière.

Toujours là

Dix ans plus tard, l’opposition a gagné le premier tour de l’élection présidentielle, au Zimbabwe ? Emmerson Mnangagwa est encore là. Il sauve la mise en orchestrant les violences inouïes contre l’opposition entre les deux tours : plusieurs centaines de morts. Le jour du second tour, il n’y a plus qu’un seul candidat : Robert Mugabe. A ce jeu, on ne perd pas, c’est simple comme un coup de barre de fer. Et désormais, le candidat, c’est lui.