Michel Aoun et Saad Hariri, le 22 novembre, à Beyrouth. / MOHAMED AZAKIR/REUTERS

Lorsque le président Michel Aoun grimpe sur l’estrade dressée pour les célébrations de la fête de l’indépendance, mercredi 22 novembre, il embrasse chaleureusement Saad Hariri, rentré la veille au Liban. Puis les deux hommes assistent côte à côte, solennels, à la cérémonie militaire dans le centre-ville de Beyrouth placé sous haute sécurité. Quand un peu plus tard, à la surprise générale, le premier ministre « suspend » sa démission, « à la demande du président », Michel Aoun ne peut que savourer le moment. Certes, la France, mais aussi l’Egypte, ont mené d’intenses efforts pour débloquer la crise. Mais le chef de l’Etat, 82 ans, a habilement géré le dossier, laissant la porte ouverte à des négociations.

Lui qui ambitionne, depuis le début de son mandat, de restaurer le prestige de l’Etat, s’est trouvé pris dans une violente tornade régionale. « Jusqu’ici, on a traversé la crise avec un minimum de dégâts. Michel Aoun a su préserver la stabilité, se félicite Simon Abi Ramia, député du Courant patriotique libre, la formation dont est issu le président. Par le passé, dans des circonstances similaires, le Liban aurait pu s’enflammer. »

Après l’annonce de la démission de Saad Hariri, à Riyad, le 4 novembre, Michel Aoun avait dressé une ligne dont il ne dévierait pas : il refusait d’avaliser ce retrait avant que le premier ministre ne revienne à Beyrouth. Rien, donc, n’était définitif. Et M. Aoun s’élevait en défenseur de la souveraineté du petit pays.

Un pays à fleur de peau

Le général invite les Libanais à l’unité nationale. Ce n’est pas une formule creuse. Le pays, pourtant habitué à subir les soubresauts de la région, est à fleur de peau. M. Aoun consulte tout le spectre politique, y compris ses ennemis. Sa manière de maintenir un cap ferme, en appelant au calme, paie auprès de l’opinion. Elle rend au passage une certaine aura à sa fonction, dépouillée de nombreuses prérogatives depuis la fin de la guerre civile. Alors que le séjour de M. Hariri à Riyad se prolongeait, le président, connu pour son langage direct, a fini par monter au front contre l’Arabie saoudite. « Nous le considérons comme en captivité et détenu », a-t-il déclaré.

A Beyrouth, Saad Hariri a maintenu, devant des journalistes, qu’il avait « voulu donner un choc positif au Liban », laissant entendre qu’il avait décidé librement de sa démission. Mais au-delà de ces versions officielles contradictoires, les deux hommes semblent prêts au dialogue. En 2016, leurs tractations avaient en partie permis à Michel Aoun d’accéder à la présidence, tandis que Saad Hariri retrouvait son fauteuil de premier ministre. L’esprit de cet accord pourra-t-il être ranimé ? M. Hariri comptera sur le président, allié depuis plus de dix ans au Hezbollah, pour obtenir des concessions du mouvement pro-iranien, à qui il demande de mesurer ses ambitions régionales. Dans ce rôle, M. Aoun ne semble pas prêt à ménager Riyad : mardi, il a dénoncé avec virulence les tentatives saoudiennes d’isoler le Liban au sein de la Ligue arabe.