Comme une éclaircie dans un ciel d’orage. Mercredi 22 novembre à 20 heures, les députés ont adopté à l’unanimité un amendement du socialiste Boris Vallaud lors de l’examen de la loi de ratification des ordonnances modifiant le code du travail. Un fait rare pour l’opposition depuis le début des débats, mardi. L’élu des Landes proposait de rétablir le droit d’alerte dans les entreprises de moins de 50 salariés. Au-delà, le soutien de la majorité à sa proposition est venu donner du sens à la bataille qu’il mène contre ce texte, de concert avec ses collègues du groupe communiste et de La France insoumise.

Pour les députés de gauche, les débats tournent en effet au baroud d’honneur contre la mesure phare du début du quinquennat d’Emmanuel Macron. Même si tous réfutent que ce soit le dernier round. « C’est maintenant que l’on va commencer à voir les conséquences pour les salariés ! », insiste le communiste Pierre Dharréville. Sur le plan purement législatif, l’objet « ordonnances » met les députés face à un exercice délicat. Par nature, ce type de texte échappe aux législateurs. Les parlementaires sont consultés, avant leur rédaction, pour habiliter le gouvernement à légiférer ainsi – ce qu’ils ont fait en juillet – et une fois les textes signés par le chef de l’Etat. Emmanuel Macron avait soigneusement mis en scène ce moment devant les caméras il y a exactement deux mois. « Il a tout fait pour que ce soit derrière lui », observe M. Dharréville.

« Limiter la casse »

Le passage devant le Parlement offre néanmoins au gouvernement une fenêtre pour réaliser des ajustements dans le texte, tout en rouvrant le débat. Lequel ressemble de très près à celui qui a occupé les députés en juillet, au point d’avoir provoqué l’agacement d’un élu de La République en marche, mardi soir. « Qu’espérez-vous là, si ce n’est nous faire perdre du temps ? », a lancé Frédéric Descrozaille, député du Val-de-Marne à l’attention de ses collègues de La France insoumise qui répétaient des arguments déjà entendus au cours de l’été. Il a immédiatement récolté l’indignation partagée sur tous les bancs politiques, d’où il s’est vu rappeler les règles élémentaires des débats démocratiques.

En creux, la discussion permet de prendre le pouls des troupes à l’Assemblée après cinq mois de mandat. A commencer par La France insoumise, qui avait fait des ordonnances l’un des axes majeurs de son opposition à M. Macron en début de quinquennat et avait bataillé ferme en juillet dans l’Hémicycle. En cette fin novembre, les Insoumis ne sont plus systématiquement au complet sur leurs bancs et Jean-Luc Mélenchon n’est pas apparu depuis mardi. Le chef de file du groupe avait admis, après l’échec de la mobilisation sociale : « Macron a le point ». « On tient la tranchée pas toujours dans de bonnes conditions, nous ne sommes que 17 députés », rappelle Alexis Corbière, son bras droit.

Chez les socialistes, Boris Vallaud a, lui, plus qu’au mois de juillet, démultiplié les amendements. « On est là pour dire quel est notre modèle de société », défend le député des Landes, qui fustige un texte qui « manque d’ambition ». En miroir, il présentera la semaine prochaine avec son collègue Dominique Potier une proposition de loi sur la gouvernance des entreprises. « Tout ce qu’on peut faire pour limiter la casse, on le fait », continue Pierre Dharréville. Son groupe est le plus régulier dans la contestation des ordonnances. « Après un budget pour les riches, vous êtes dans l’humiliation de classe permanente et ça me met en colère », a ainsi lancé le député de Seine-Maritime Sébastien Jumel, mercredi. Rarement le ton aura ainsi monté lors des débats qui s’achèveront jeudi avant un vote solennel mardi 28.