C’est une première. Un homme de 33 ans, brûlé sur la quasi-totalité de son corps (à 95 %), a pu être sauvé grâce à la greffe de la peau de son frère jumeau. C’est ce qu’a annoncé, jeudi 23 novembre, le centre de traitement des brûlés de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), à Paris. Victime d’un accident du travail en septembre 2016, le jeune homme est arrivé à l’hôpital, avec le SAMU, dans un état critique. « Il avait alors une chance infime de survivre », constate le professeur Maurice Mimoun, chirurgien plasticien, responsable de ce centre parisien spécialisé. Le patient a alors été placé en coma artificiel.

En effet, lorsque la brûlure est profonde – ce qui était le cas pour cet homme –, « la peau brûlée est un poison pour le patient et lui envoie des toxines, cela peut toucher les organes vitaux et provoquer un état de choc », précise le professeur Mimoun. L’autre risque majeur est l’infection, car les lésions de la barrière cutanée rendent les patients particulièrement sensibles aux bactéries.

L’une des premières missions fut alors d’enlever la peau brûlée, puis de la remplacer en prélevant la peau saine du patient. Dans le cas de cet homme, c’était compliqué. Son frère jumeau a alors proposé de donner sa peau. Pour autant, l’équipe médicale a prévenu le donneur qu’il aurait des cicatrices et que cette intervention ne suffirait peut-être pas à sauver son frère.

Don de 50 % de la surface de sa peau

Une course contre le temps a alors démarré. Les deux frères ont été opérés, le premier pour enlever la peau brûlée, le second pour prélever la peau. L’équipe de chirurgie plastique et reconstructrice du professeur Mimoun et celle du professeur Alexandre Mebazaa en anesthésie-réanimation ont renouvelé l’opération à trois reprises. Au total, le jumeau donneur a donné 50 % de sa surface de peau, celle du dos, des cuisses et du cuir chevelu, qui cicatrise plus vite. Son frère greffé a subi une dizaine d’interventions. Certaines en prélevant des fragments de peau qui furent reposés en filet afin de stimuler la cicatrisation.

« L’immense avantage d’avoir recours à la peau de son jumeau homozygote [issu du même œuf] réside dans le fait que la peau ne sera jamais rejetée », précise le communiqué de l’AP-HP. Le patient pouvait vivre avec la peau de son frère sans traitement immunosuppresseur puisque leur capital génétique est identique. En général, l’utilisation de peau de donneur décédé est classique chez les brûlés mais est systématiquement rejetée au bout de quelques semaines, ce qui oblige à renouveler l’opération.

« Il y a eu un cercle vertueux, la peau du patient s’est régénérée de plus en plus vite », précise le professeur Mimoun. Il a pu sortir quatre mois plus tard du centre des brûlés de Saint-Louis. Aujourd’hui, il marche et poursuit un travail de rééducation. « C’est un travail d’équipe pour les soignants mais c’est aussi une famille qui a gagné, avec une énergie et un climat affectif fort », souligne Maurice Mimoun. Le patient était en outre en bonne santé, ne fumait pas, ce qui a dû contribuer à son rétablissement.

Des travaux de recherche en cours à partir de cellules-souches

Si des brûlés avaient déjà été greffés avec leur jumeau homozygote, il semble que ce soit la première fois qu’un brûlé avec une telle étendue de peau touchée, et dans un tel état critique, s’en sorte un an après la dernière intervention.

Au-delà, cela « ouvre la voie à de nouvelles thérapeutiques, et notamment la mise au point d’une peau universelle », souligne le communiqué. Des travaux sont en cours à partir de cellules-souches destinées à générer de manière illimitée des cellules de peau qui pourraient être auto-greffées ensuite sur les patients.

Cette greffe n’est pas sans rappeler le succès obtenu par l’équipe de Tobias Hirsch (université de la Ruhr, Allemagne), avec ses collègues autrichiens et italiens. Ils ont annoncé le 8 novembre être parvenus à reconstruire la peau d’un jeune garçon détruite par une grave maladie héréditaire, l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle (EBJ). Cette affection héréditaire, qui peut résulter de la mutation de plusieurs gènes, se caractérise par la formation de bulles (cloques) entre l’épiderme et le derme. Les décollements cutanés peuvent engager le pronostic vital, comme dans le cas de ce garçonnet.

Les chercheurs lui ont prélevé un morceau de peau saine et ont corrigé la mutation génétique puis ont déposé les greffons sur le corps du petit patient, lors de trois interventions. Ces travaux ont été publiés dans Nature le 9 novembre.