C’est un écueil comme la France n’en a pas trouvé sur sa route cette année. A l’heure d’entamer la finale de Coupe Davis, vendredi 24 novembre au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), les joueurs de Yannick Noah voient un sacré client se dresser sur leur chemin : David Goffin. S’il n’a pas la stature de certains « golgoths » de la balle jaune et semblerait presque fluet avec ses 1,80 m et 68 kg, le Belge conclut à 26 ans une saison auréolée d’une finale au Masters de Londres, dimanche 19, où il a successivement battu Rafael Nadal et Roger Federer.

Premier homme du plat pays à entrer dans le top 10 mondial (il est actuellement numéro 7), David Goffin entame les hostilités vendredi à 14 heures face à Lucas Pouille. Se disant, après le tirage au sort de jeudi, « heureux de commencer », le leader belge reconnaît que « ça ne sera pas facile ». Son adversaire du jour a remporté leurs trois duels sur le circuit professionnel. Mais bien décidé à offrir à son pays le premier Saladier d’argent de son histoire, c’est un Goffin en pleine confiance qui foulera le court en dur du stade Pierre-Mauroy.

« C’est clairement notre joueur-clé », reconnaît son coéquipier de la sélection belge Steve Darcis, qui affrontera Jo-Wilfried Tsonga vendredi lors du deuxième match de la finale. « C’est lui qui va peut-être faire tourner la balance d’un côté ou de l’autre, ce qu’il fait est exceptionnel, reprend-il. A chaque fois en Coupe Davis, il a fait des matchs incroyables, en étant un peu blessé, en étant fatigué. C’est une compétition qu’il adore. »

David Goffin et Steve Darcis lors du tirage au sort de la finale, jeudi 23 novembre. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

Dans une sélection belge définie par son capitaine Johan Van Herck comme « une équipe de bons copains », les joueurs sont « un peu tous sur un pied d’égalité ». Mais la progression de David Goffin, membre incontournable de l’équipe depuis 2012, en a fait « notre petit leader », conclut affectueusement Steve Darcis, natif de Liège comme lui.

C’est à Barchon, en périphérie de la « cité ardente » que le jeune David frappe ses premières balles. A l’âge de six ans, son père Michel l’inscrit au Tennis Club Euro de Barchon (TCEB) avec son grand frère « pour qu’ils vivent une vie de club, avec des compétitions par équipes et des entraînements en groupe avec d’autres garçons de leur âge ».

Des doutes sur ses capacités

Lui-même entraîneur de tennis, Michel Goffin ne cache pas avoir également été convaincu par la personnalité de Michèle Gurdal, entraîneure du TCEB. Meilleure joueuse belge des années 1970 – avec un quart de finale à l’Open d’Australie et un huitième à Wimbledon à son actif –, elle est devenue entraîneure une fois ses raquettes remisées. Sa réputation n’est plus à faire : c’est elle qui a notamment formé Dominique Monami-Van Roost, première Belge entrée dans le top 10 mondial (bien avant l’éclosion du duo Kim Clijsters-Justine Hénin).

Michel Goffin est entraîneur dans le club d’origine de son fils, à Barchon. / Virginie NGUYEN HOANG/Collectif HUMA pour Le Monde

A 64 ans, Michèle Gurdal continue d’entraîner les jeunes pousses de la région liégeoise. « Elle sait transmettre une certaine rigueur et le goût du travail à ses élèves », relate Michel Goffin, qui coache désormais à ses côtés à Barchon.

« Doué, sérieux, bougeant bien et voyant déjà bien la balle », selon Michèle Gurdal, le jeune David Goffin « écoutait ce que les professeurs lui disaient ». Chez les enfants, Michèle Gurdal insiste pour privilégier la qualité du jeu par rapport au résultat. Appréciant « la technique, la prise de balle tôt et un bon jeu de jambes », elle a contribué à développer ces qualités chez le futur champion. Et souligne : « Il a aussi du caractère et il travaille, il n’y a pas de secret. »

Cette détermination à toute épreuve a permis à David Goffin, à l’adolescence, de surmonter les doutes concernant ses capacités à atteindre le haut niveau. Après avoir rejoint le centre de tennis-études de Mons à douze ans, le jeune homme, qui a grandi très tard, a en effet dû batailler pour s’imposer.

« C’était un garçon avec d’énormes qualités de coordination et d’explosivité, se remémore Michaël Dermience, le directeur technique du centre de formation de l’Association francophone de tennis (AFT). Mais c’était aussi un garçon petit en taille, pas très développé physiquement, et ceux qui travaillaient dans le système à ce moment-là ont toujours émis une petite réserve. Parce qu’à haut niveau ils font tous 1,90 m et sont superpuissants. »

« Il fallait l’arrêter, tellement il voulait jouer »

Jusque chez les juniors, le jeune Goffin n’a pas été particulièrement performant. « Il y a même eu à un moment une réflexion pour savoir si on continuait ou non à l’aider », affirme Michaël Dermience. Le fait qu’un joueur comme Olivier Rochus (1,68 m) ait réussi une belle carrière à cette époque et « la motivation de David, son engagement, sa détermination sur le terrain, son attitude face au travail » ont poussé l’encadrement à continuer avec lui.

La réussite du joueur est aujourd’hui vécue à l’AFT comme « une fierté, car il a été un projet à long terme », souffle Michaël Dermience. Accompagné jusqu’à ses 22 ans par la fédération francophone (la Belgique est scindée en deux fédérations), David Goffin bénéficie aujourd’hui d’une cellule spéciale, mise en place en cas de « talent exceptionnel ». Son entraîneur, Thierry Van Cleemput, est issu de l’AFT, et le centre de formation détache auprès de lui sur une partie de l’année un préparateur physique et un médecin.

Qu’elles l’aient côtoyé plus ou moins récemment, toutes les personnes interrogées dressent le portrait d’un garçon ultra-motivé. « Tout petit, David aimait ce qu’il faisait, il adorait jouer au tennis, abonde son père, Michel Goffin. Il fallait même l’arrêter, tellement il voulait jouer, ça a toujours été son truc. »

David Goffin stuns Roger Federer to reach final | Nitto ATP Finals 2017
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Auteur d’une impeccable fin de saison (huitième de finale à l’US Open, qualification pour la finale de la Coupe Davis, deux titres à Shenzhen et Tokyo, finale au Masters), David Goffin ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Seul membre du top 10 mondial sur la voie de la France cette année (le meilleur joueur affronté lors des tours précédents était le Britannique Dan Edwards, 44e mondial), le Liégeois aspire à offrir à son pays une première victoire en Coupe Davis.

Face à son ami Lucas Pouille, il disputera son 82e match de l’année, au risque de payer physiquement le prix de cette interminable saison. Quel que soit le résultat de la rencontre, le Belge, qui est licencié au club de Lille, conclut d’un éclat de rire : « On est amis avant, mais sur le court, on sera l’un contre l’autre. Après, on sera à nouveau amis. Enfin, je l’espère. »