« Tout pour ce moment », Bangalore, 20 décembre 2008. | Mahesh Shantaram

En Inde, le mariage c’est du bonheur, mais aussi beaucoup de tension, de disputes et une sacrée épreuve d’endurance physique. Les cérémonies s’étalent sur plusieurs journées, et les invités, dont certains sont inconnus des mariés, viennent par centaines, voire par milliers. C’est une vitrine sociale pour les familles qui sont prêtes à se ruiner pour afficher leur rang dans la société. Dans un pays où les unions sont arrangées, l’amour est souvent accessoire.

Photographe de mariage, Mahesh Shantaram s’intéresse à la vision du bonheur dans l’Inde contemporaine. Ou plutôt l’envers de son décor. Dans sa série intitulée « Matrimania », il a détourné son objectif des couples qui sourient en se tenant la main pour s’intéresser à ceux qui essaient de tenir le coup en enchaînant les boissons énergisantes. Ou au jeune époux exténué qui baille, assis devant les offrandes religieuses.

Des décors de studios de cinéma

Après avoir étudié pendant un an la photographie à Paris, Mahesh Shantaram est retourné en Inde, en 2006. Photographier les cérémonies lui a permis de voyager sur tout le territoire et de découvrir des univers sociaux divers et variés. Il en a profité pour constituer un album singulier sur cette institution. Le photographe tourne en dérision l’image du bonheur nuptial qui régit la société indienne, avec près de dix millions d’unions célébrées chaque année. Il ne montre pas l’aspect clinquant et démesuré, mais les palais en toc, les fleurs de lotus géantes en plastique et les couchers de soleil sur des affiches collées à des panneaux en contreplaqué.

Noces à la mode Bollywood

Bien souvent, on se croirait dans des décors de studios de cinéma, comme si les organisateurs s’inspiraient d’effets spéciaux. Cette photographie d’une réplique d’avion de combat surplombant un buffet et des serveurs en livrée semble irréelle. « Un mariage peut transformer l’endroit le plus banal en un lieu fantastique et improbable », reconnaît Mahesh Shantaram. Sur certaines photographies, les invités dansent en grimaçant, comme s’ils se défoulaient. Les noces sont souvent l’un des rares moments de débauche et de fête, les seules échappatoires pour des femmes et des hommes soumis aux pressions sociales.

Les images de Mahesh Shantaram sont à peine retouchées. Une manière de répondre à ceux qui s’extasient devant les couleurs de l’Inde. Contrairement à ce que montrent les dépliants touristiques, la juxtaposition des teintes peut devenir épouvantable dans ce pays. Sur le cliché où un couple esquisse un sourire forcé, le décor en arrière-plan semble tout droit sorti d’un film d’horreur. « Le beau est si proche de l’épouvantable », résume son auteur. Mahesh Shantaram s’en sort par l’humour. Car on rit finalement beaucoup en regardant son travail. Sans doute parce que le mariage y est représenté comme une farce sociale.