Un militant LFI, à Paris, lors de la soirée électorale du premier tour de la présidentielle, le 23  avril. / Cyril Bitton / french-politics pour Le Monde / Cyril Bitton

C’est un hasard du calendrier qui tombe à point nommé. La France insoumise (LFI) tient sa convention les 25 et 26 novembre à Clermont-Ferrand pour déterminer ses campagnes prioritaires et définir la nature du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Prévu depuis plusieurs mois, ce rendez-vous clôt un processus de consultations en ligne débuté en août et doit réunir environ 1 500 personnes.

C’est surtout l’occasion rêvée d’ouvrir une nouvelle séquence après une rentrée décevante pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. LFI, qui rêvait de prendre la tête d’une puissante contestation de rue contre la réforme du code du travail, a dû reconnaître son échec.

Par ailleurs, plusieurs de ses cadres ont nourri une polémique permanente en ce début d’automne : la députée de Paris Danièle Obono, avec ses prises de position, dont la dernière en date en faveur des stages en non-mixité raciale, à rebours de celles, républicaines, de M. Mélenchon ; l’ancienne porte-parole Raquel Garrido avec ses activités de chroniqueuses sur C8 dans l’émission de Thierry Ardisson. Sans compter que Danielle Simonnet et Alexis Corbière ont dû, l’un et l’autre, s’expliquer longuement sur leur logement.

Pour ce week-end, l’objectif est clair : se concentrer, désormais, sur les questions politiques. « On veut montrer que nous sommes en capacité d’exercer le pouvoir », assure Manuel Bompard, chef d’orchestre du mouvement. Cette convention ne sera pas un congrès au sens classique du terme. Aucun président ou même équipe dirigeante ne sera élu ce week-end.

  • Des campagnes axées sur le social et l’écologie

Les « insoumis », 500 000 inscrits revendiqués sur leur plate-forme numérique, devaient choisir en ligne trois campagnes prioritaires à mener sur le plan national. Une trentaine était proposée sur des sujets aussi divers que la sélection à l’université, les partenariats public-privé, l’évasion fiscale ou encore la rupture avec les traités européens. « Les thèmes qui ressortent sont sociaux et écologiques », dévoile, sans surprise, Manuel Bompard.

  • La mise en avant de « l’auto-organisation populaire »

C’est un mode d’action dont LFI entend faire sa marque de fabrique.« On veut se mettre au service des habitants d’un quartier pour mener des luttes sur la vie quotidienne, explique William Martinet, coresponsable de ce pôle avec Leïla Chaibi. Par exemple contre un bailleur social qui ne remplit pas ses obligations, contre le non-remplacement d’un enseignant ou des fermetures de classe. »

Concrètement, les militants de LFI « frapperont aux portes » dans les quartiers populaires pour recueillir les différents sujets de lutte et proposer leur aide. Au risque de se substituer aux associations locales ? « Surtout pas », promet M. Martinet, qui assure que la structuration souple du mouvement permet d’éviter l’écueil de la récupération.

  • Un mouvement qui se veut « humaniste » et « tourné vers l’action »

Outre les campagnes, les « insoumis » devaient également se prononcer sur deux textes définissant la nature de leur mouvement. Tout d’abord les « Principes de La France insoumise ». En onze points, dont certains directement inspirés par les écrits de Jean-Luc Mélenchon, ce texte dresse la fiche d’identité du mouvement qui se veut « évolutif », se « prépare à gouverner » et est « tourné vers l’action ». Il « cherche à inventer une nouvelle forme de rassemblement citoyen ». LFI est un mouvement « ouvert et populaire », « humaniste », et « promeut l’émancipation globale de la personne humaine, la souveraineté populaire, la justice sociale, la laïcité, l’écologie et l’harmonie entre les êtres humains et leur écosystème ».

LFI est également « bienveillante et inclusive » : « Les compétitions internes, les conflits de personnes et les affrontements de courants n’y ont pas leur place, peut-on ainsi lire. Tout comme les propos ou les comportements violents, sexistes, racistes, antisémites ou LGBTphobes. Les prises de décision par consentement sont privilégiées afin d’éviter les écueils liés aux clivages et aux mises en minorité. »

Autre texte, la charte des groupes d’action. C’est en quelque sorte le règlement intérieur de ces groupes de bases de LFI. Le texte détaille comment sont animés ces groupes d’action qui doivent regrouper au minimum deux personnes, leurs modalités de fonctionnement, etc. Le mouvement veut ainsi essaimer sur l’ensemble du territoire pour travailler son implantation et l’infusion de ses idées dans la société.

  • Le flou des organes de direction

Tous les dirigeants le rappellent : il n’y aura pas de direction élue lors de cette convention. Tout à leur structuration « souple », les « insoumis » n’ont pas dissipé le flou de leur organisation interne. Une Assemblée représentative d’environ 250 personnes, dont la majorité tirée au sort et pour le reste composée de représentants des différents « espaces » du mouvement (politique, des luttes, groupe parlementaire), doit être annoncée ce week-end. Elle devrait avoir un rôle de conseil, de coordination.

« Mouvement polycentrique », LFI est en outre dotée d’une équipe opérationnelle ; d’une équipe assurant la coordination du programme ; d’un groupe parlementaire réunissant ses députés ; d’espaces nationaux de conseil et de propositions (notamment un espace politique et un espace des luttes). Difficile de s’y retrouver, donc, dans cette profusion de groupes.

Sans courants structurés et sans véritable contre-pouvoir, cette dissolution de la décision en interne peut favoriser la mainmise du chef de file du mouvement, Jean-Luc Mélenchon. Un argument balayé par Charlotte Girard, coresponsable du programme : « Tout comportement autocrate serait extrêmement risqué. Personne n’aurait intérêt à trahir le mouvement. »

  • La main tendue à Benoît Hamon

Il ne sera pas question non plus ce week-end de la stratégie électorale ou des alliances avec d’autres formations. Il n’empêche. En deux jours, LFI a tendu par deux fois la main à Benoît Hamon. Un changement, sinon de ligne, en tout cas d’attitude à l’égard de l’ancien candidat socialiste à la présidentielle. Manuel Bompard, dans le journal de LFI, L’Heure du peuple, a ainsi déclaré jeudi que « la participation de Benoît Hamon à la marche du 23 septembre était une bonne nouvelle. Toutes celles et ceux qui refusent la politique désastreuse du gouvernement doivent pouvoir agir ensemble. »

De son côté, dans un entretien au Parisien du 24 novembre, Jean-Luc Mélenchon se dit prêt à discuter et à ne pas rester isolé pour s’opposer à la politique menée par le président de la République, Emmanuel Macron. Il déclare ainsi avoir « réduit la fracture » avec Benoît Hamon qui doit relancer, début décembre, son Mouvement du 1er juillet.

Dans son entretien au Monde du 24 octobre, M. Hamon déclarait également avoir des contacts réguliers avec le député des Bouches-du-Rhône : « Nos relations sont apaisées, sereines, normales. » Il souhaitait également poser des « actes de résistance communs » avec M. Mélenchon.