Le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard (à gauche), et celui de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, lors du 100e Congrès des maires de France, à la Porte de Versailles (Paris), le 23 novembre. / LUDOVIC MARIN / AFP

Les ministres Nicolas Hulot (transition écologique et solidaire) et Jacques Mézard (cohésion des territoires), ont annoncé, vendredi 24 novembre, un ambitieux plan pour la rénovation énergétique des bâtiments. Montant : 14 milliards d’euros sur cinq ans. Le chiffre apparaît certes impressionnant, mais il agglomère une part de dépenses publiques et des prêts, des fonds européens…

Le but est de rénover 500 000 logements par an et, à terme, un quart des bâtiments publics. « Je me réjouis de cette priorité et de ce volontarisme ciblant notamment les ménages modestes », se réjouit Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, une plate-forme de réflexion et d’échanges créée en 2009 et fédérant acteurs du bâtiment et de l’immobilier.

L’enjeu est d’abord environnemental et climatique, puisque les immeubles, tous types confondus, tertiaire ou résidentiel, émettent 45 % des gaz à effet de serre (25 % pour les seuls 35 millions de logements de France). Mais il est aussi social : 7 millions de logements mal isolés sont des « passoires thermiques » ; 3,8 millions de ménages n’ont pas les moyens de se chauffer correctement et se trouvent en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux seules factures d’énergie de leur maison.

Accélérer les travaux d’isolation

La préoccupation gouvernementale est d’accélérer les travaux d’isolation des logements. Non pas qu’il ne se soit rien passé depuis le Grenelle de l’environnement, mais cela s’est fait à un rythme lent et dans un certain désordre, sauf dans le parc social puisque les bailleurs sont déjà parvenus à réaliser 100 000 rénovations depuis le 1er janvier, atteignant ainsi leurs objectifs.

Le Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), qui finance jusqu’à 30 % des travaux engagés dans une résidence principale, est un puissant levier pour une telle action. Mais la base de données Open de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) indique qu’en 2014, seules 288 000 opérations performantes ou très performantes ont été menées, pour un gain d’énergie moyen de 17 % et profitant surtout aux ménages aisés.

Les interventions ont surtout consisté en des changements de fenêtres et de portes. Pas très efficace au plan énergétique… Sur une dépense publique, pour le CITE, de 1,7 milliard d’euros en 2017, 800 millions d’euros ont ainsi été consacrés aux fenêtres et aux portes. C’est pourquoi le gouvernement veut exclure ces dépenses du bénéfice de ce dispositif dès le 30 juin 2018, sauf pour les ménages modestes qui ont encore du simple vitrage.

Le gouvernement souhaite aussi, à partir du 1er janvier 2019, transformer le CITE en prime versée à l’achèvement des travaux, ce qui inciterait les ménages modestes à se lancer, d’autant que leur prime serait bonifiée. Les crédits de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) seront renforcés pour la rénovation de 50 000 logements du secteur diffus occupés par des ménages modestes, au rythme de 75 000 par an contre 50 000 aujourd’hui.

Initiatives d’accompagnement

En revanche, les ministres n’ont pas soufflé mot de leur projet de créer un malus pour sanctionner les logements mal isolés (étiquettes F et G), en majorant les droits de mutation lors d’une vente ou en augmentant la taxe foncière. L’idée soulève déjà une opposition unanime, qui va des professionnels du bâtiment aux associations de consommateurs, en passant par les gestionnaires d’immeubles. « On va encore stigmatiser les bailleurs et les copropriétaires et ce n’est pas comme cela que l’on va les convaincre », soupire Frédéric Verdavaine, directeur du pôle Gestion de Nexity.

La création d’un guichet unique pour faciliter les démarches fait, quant à lui, l’unanimité. Les initiatives pour accompagner les habitants foisonnent, comme à Paris, avec l’Agence parisienne du climat, en Seine-Saint-Denis, avec le Pass’Réno Habitat 93, et beaucoup de collectivités locales ou d’opérateurs publics et privés qui, par exemple, proposent d’isoler les combles pour un euro. « Nous dressons un état des lieux et avons déjà repéré pas moins de 60 dispositifs différents qu’il faudra analyser », confie Philippe Pelletier.

« Entre les certificats d’économie d’énergie, l’éco-prêt à taux zéro, le CITE, les contrats de performance énergétique, les formules se multiplient sans être évaluées, sans bilan sérieux », note Frédéric Verdavaine, qui prône l’intervention d’un tiers financeur pour avancer les frais et se rembourser sur les économies d’énergie, « seul moyen d’assurer la solvabilité des bailleurs comme des occupants ». Enfin, le gouvernement ambitionne de rénover 25 % de son parc public en commençant par les bâtiments d’enseignement, grâce à des prêts bonifiés de la Caisse des dépôts.