Emmanuel Macron a choisi d’accorder une place importante à la régulation des contenus sur Internet, samedi 25 novembre, lors de son discours faisant de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale. Un « combat culturel », pour le président de la République, qui passera notamment par un encadrement plus strict des réseaux sociaux, de la pornographie en ligne ou encore des jeux vidéo :

  • Harcèlement sur les réseaux sociaux

Le président de la République a détaillé deux axes principaux pour renforcer la lutte contre le harcèlement sur les réseaux sociaux, sans dire s’ils feraient l’objet d’un texte de loi ou si d’autres mesures pourraient venir en 2018. Le premier volet concerne la formation des enseignants et des personnels scolaires, qui sera renforcée, et doublée d’une sensibilisation des parents à la prochaine rentrée scolaire. L’autre axe concernera la création d’une application à destination des « victimes de cyberharcèlement et de cyberviolences », dont le rôle exact n’a pas été précisé.

Ce qu’il a dit : « Sur les réseaux sociaux, le harcèlement se donne trop souvent libre cours, sans que ni les enseignants ni les parents ne soient formés à le prévenir. C’est pourquoi nous devons mettre en place une véritable prévention du cyberharcèlement, et là aussi, dès 2018, des modifications législatives seront portées pour non seulement mieux prévenir mais aussi poursuivre ceux qui agissent sur Internet pour harceler. »
  • Vidéos en ligne et jeux vidéo

Dans le « combat culturel » qu’il souhaite mener contre le sexisme et le harcèlement, le président de la République évoque un vieux serpent de mer : celui de la régulation des contenus en ligne par le CSA.

Ce qu’il a dit : « Il faut éviter que les comportements les plus indignes ne fassent l’objet d’une forme de propagande tacite. Les plus jeunes regardent infiniment moins la télévision que les plus âgés, et nous ne régulons pas aujourd’hui l’accès aux jeux vidéo, aux contenus sur Internet, aux contenus pornographiques de plus en plus diffusés. (…) Nous devrons donc repenser le cadre de notre régulation, en particulier des contenus audiviosuels, en prenant en compte l’évolution du numérique afin d’étendre les pouvoirs et la régulation du CSA. »

Or, le CSA a déjà le pouvoir de régulation sur les contenus vidéo diffusés sur Internet : s’il le fait rarement, il a déjà mis en demeure des chaînes YouTube.

En ce qui concerne le jeu vidéo, c’est un autre organisme, directement lié à l’industrie, le PEGI, qui s’occupe de sa régulation. Celui-ci appartient à l’International Software Federation of Europe (ISFE), un lobby représentant les intérêts des principaux acteurs du marché au niveau continental. Sous l’influence scandinave, il se montre souvent plus sévère que le CSA dans son système de classification des œuvres violentes. Il n’a toutefois qu’un rôle purement signalétique – un jeu PEGI 18 peut être vendu n’importe où.

Sans affirmer clairement s’il souhaitait que le CSA encadre à l’avenir les jeux vidéo, Emmanuel Macron a invité l’industrie à une « réflexion approfondie » sur la question du sexisme. Déjà fin 2015, deux parlementaires, les députées socialistes Catherine Coutelle (Vienne) et Edith Gueugneau (Saône-et-Loire), avaient demandé que le sexisme des jeux vidéo puisse être signalé. Si de nombreuses superproductions font désormais l’effort de mettre en avant des héroïnes féminines non stéréotypées, l’industrie reste très majoritairement masculine et régulièrement accusée de conserver une culture machiste, notamment dans les studios de développement.

  • La pornographie en ligne

C’est l’un des points sur lesquels Emmanuel Macron s’est montré à la fois le plus véhément, mais le moins précis. Très critique sur le développement de la pornographie, facilité par l’explosion du Web, il a longuement insisté sur le fait que ces contenus devaient être chassés des établissements scolaires, et que parents comme enseignants devaient être davantage sensibilisés au sujet.

Ce qu’il a dit : « Unissant mondes virtuels, stéréotypes, domination et violence, la pornographie a trouvé grâce aux outils numériques un droit de cité dans nos écoles. Nous devons prendre à bras-le-corps ce phénomène que nous avons trop longtemps refusé de voir. Une opération de sensibilisation des parents sera donc lancée à la prochaine rentrée. (…) La pornographie a franchi la porte des établissements scolaires comme naguère l’alcool ou la drogue. »

Cependant, la pornographie et sa consultation par des mineurs sont loin d’être un sujet uniquement scolaire : sa diffusion et a fortiori sa consultation ne se font pas spécifiquement à l’école. La diffusion de contenus pornographiques à destination des mineurs est déjà interdite par la loi, même si dans les faits les textes ne sont pas appliqués ou très peu.

Le gouvernement de François Hollande avait d’ailleurs évoqué, en mars, un projet de blocage des sites Web pornographiques. Il se heurtait à d’importantes contraintes techniques et légales, et à l’absence de solutions réellement efficaces. Plusieurs pays, et notamment les Etats-Unis, ont à la fin des années 1990 tenté sans succès d’imposer aux sites pornographiques de demander un numéro de carte bancaire. Une demande vivement combattue par l’industrie de la pornographie, mais aussi par les associations de défense de la vie privée qui estimaient que cela revenait à demander une preuve d’identité.

Seuls les pays qui pratiquent une censure de masse du Web – dont la Chine, où les sites pornographiques sont globalement interdits, y compris pour les adultes – sont parvenus à bloquer largement l’accès à ces sites.