Documentaire sur France Ô

Film documentaire "L'histoire savoureuse de Banania", Skopia Films 2013.
Durée : 00:47

Banania est l’invention d’un critique musical, Pierre-François Lardet, qui se rend en 1909 au Brésil pour y rendre compte d’un opéra. Sur le chemin du retour, il s’arrête au Nica­ragua, d’où il rapporte une recette locale de boisson chocolatée promise à un avenir florissant, sonnant et… trébuchant. Un an après sa création, en 1914, Banania emprunte pour ses emballages l’image du tirailleur sénégalais et le slogan qu’aurait prononcé l’un d’eux : « Y’a bon ! » Personne n’y verra de mal car ces soldats africains étaient considérés comme des héros de la grande guerre. L’historien Pascal Blanchard rappelle : « Avant, un Noir souriant, ça n’existait pas : il était sanguinaire et sauvage, cannibale. »

Le documentaire L’Histoire savoureuse de Banania, d’Eric Bitoun, est passionnant – notamment grâce à la participation de divers historiens du colonialisme et des marques publicitaires – et conduit, bien entendu, vers l’inévitable critique postcoloniale. L’image d’une négritude caricaturée sera dénoncée notamment par Léopold Sédar Senghor (1906-2001), qui écrivit, en 1948, dans Hosties noires : « Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France. »

L’image d’une négritude caricaturée sera dénoncée notamment par Léopold Sédar Senghor / Skopia Film/France O

Il sera suivi par des associations antiracistes, qui feront la chasse, notamment, aux rééditions des boîtes originelles et aux produits dérivés reprenant le fameux slogan, qui, longtemps, ne fit pas lever le moindre sourcil en France. Il est vrai que celui-ci n’était rien comparé à d’autres réclames pour détergents qui « lavaient plus blanc » et qu’on illustrait d’un Africain dont les membres ressortaient du bain dépigmentés.

Et que dire des pastilles Cachou Le Négro ou d’une publicité néo­esclavagiste du chocolat Félix Potin qui montrait un Africain préparant une tasse de chocolat avec pour slogan : « Battu et content » ? A l’heure où l’on propose de remplacer « nègre » par « plume d’emprunt », il n’est pas besoin de succomber au politiquement correct pour comprendre – ce à quoi aide ce documentaire – que cette imagerie ait dérangé la communauté noire et qu’elle ait souhaité qu’elle cesse.

L’Histoire savoureuse de Banania, d’Eric Bitoun, dans le cadre d’« Histoire d’outre-mer » (Fr., 2014, 50 min).