Editorial du « Monde ». C’était un thème de campagne du candidat d’En Marche !, et l’actualité en a accentué l’urgence. Poussé par la vague de révolte contre les violences sexistes dans le sillage de l’affaire Weinstein, le président Emmanuel Macron a choisi de donner toute la gravité possible à son appel, samedi 25 novembre, à faire de l’égalité hommes-femmes une « grande cause du quinquennat ».

Ce combat mérite, en effet, la plus grande solennité. Pas seulement parce que l’Egalité figure au fronton de toutes les mairies de France et que les Français ont trop longtemps oublié qu’elle concernait aussi l’égalité d’une moitié de la population par rapport à l’autre. Mais aussi parce qu’il n’est pas tolérable que le pays des Lumières en soit encore, en 2017, à afficher ses statistiques de la violence conjugale comme celles des accidents de la route. L’Espagne, elle, en a fait une cause nationale dès 2004.

La violence faite aux femmes n’est pas accidentelle, elle est sociale, culturelle. En exprimant son « sentiment d’horreur et de honte », M. Macron a reconnu cette dimension. En déclarant avec force que « la honte doit changer de camp », il a clairement identifié les coupables et les victimes. En utilisant ostensiblement, dans les parties du discours consacrées à l’inégalité entre les sexes, des mots empruntés au vocabulaire féministe, il a légitimé le combat de celles qui se sont trop longtemps battues seules pour cette cause : « C’est notre société tout entière qui est malade du sexisme », a insisté le président. Le candidat Macron s’était appuyé pour ces questions sur Marlène Schiappa, entrée depuis au gouvernement comme secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, le chef de l’Etat fait de cette égalité une cause présidentielle et met à son service son sens de la mise en scène.

Faciliter le dépôt de plainte

Voilà pour la démarche, qu’il faut saluer. Elle est assortie de mesures concrètes visant notamment à faciliter le dépôt de plainte pour les femmes victimes de violences et à assurer leur accompagnement par des unités spécialisées. Ces mesures sont les bienvenues, de même que la volonté de mettre l’accent sur l’éducation, de lutter contre l’accès à la pornographie pour les plus jeunes et de fixer un âge pour la présomption de non-consentement des mineurs à un acte sexuel. Le président s’est prononcé pour le seuil de 15 ans, la garde des sceaux, Nicole Belloubet, avait évoqué 13 ans : l’âge pourra être débattu, mais le principe est acquis.

Le point faible du plan antisexisme de M. Macron réside dans les moyens alloués. Experts et militants ont souligné l’absence de nouveau budget, puisque le chiffre cité de 420 millions d’euros annuels correspond à des crédits déjà consacrés à l’ensemble des politiques de lutte contre les inégalités hommes-femmes, au-delà de la lutte contre les violences faites aux femmes. Le gouvernement étant soumis à un gros effort de discipline budgétaire, le budget du secrétariat d’Etat de Mme Schiappa est sanctuarisé, mais pas augmenté.

Ce n’est donc qu’un début. Un bon début, sur lequel « notre société tout entière » doit bâtir. En Espagne, malgré une législation pionnière, le fléau de la violence conjugale n’est pas endigué : l’expérience montre que l’éducation, dès le plus jeune âge, est capitale. Changer les mentalités demande une volonté politique et des moyens. M. Macron a exprimé la première avec force. Reste à trouver les moyens.