Le PDG d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, et le président de JetAirways, Naresh Goyal, à Bombay, le 29 novembre. / Danish Siddiqui / REUTERS

Le PDG d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, tient son cap. A l’occasion du 70anniversaire de l’ouverture de la liaison entre Paris et Bombay, le patron du groupe franco-néerlandais a fait d’une pierre deux coups. Il a profité de cette célébration pour annoncer, mercredi 29 novembre, à Bombay, dans l’ouest de l’Inde, un partenariat avec Jet Airways, la première compagnie indienne. Une association calquée sur la société commune qui lie Air France-KLM et l’américaine Delta Air Lines sur l’Atlantique Nord.

C’est au terme de « discussions très serrées » avec Jet Airways, selon des proches du dossier, commencées en 2016, qu’Air France-KLM et la compagnie indienne ont fini par s’entendre. Ce rapprochement avait déjà été précédé par des partages de codes, qui permettaient aux nouveaux mariés de vendre les vols des deux compagnies pour ouvrir aux passagers des destinations supplémentaires et des fréquences de vols plus nombreuses.

Avec cet « accord de coopération étendue », Air France-KLM et Jet Airways passent à la vitesse supérieure. Ce nouveau partenariat signifie la mise en commun des moyens commerciaux, des coûts et des recettes entre les deux nouveaux partenaires. L’idée de M. Janaillac est de rééditer le succès de la joint-venture entre Delta et Air France-KLM. Une société commune, qui, selon les dirigeants de la compagnie franco-néerlandaise, génère un chiffre d’affaires annuel de plus de 12 milliards d’euros. En s’alliant avec Jet Airways, le PDG d’Air France-KLM poursuit un objectif clairement identifié : faire pièce aux compagnies du Golfe.

Séduire les passagers à « haute contribution »

Celles que l’on appelle « les trois sœurs », Emirates, Qatar Airways et Etihad, donnent des difficultés aux compagnies européennes et américaines, en détournant le trafic entre l’Inde et les Etats-Unis. Celui-ci passe de moins en moins par l’Europe et de plus en plus par les « hubs », des aéroports géants, véritables gares de triage de passagers, que sont Dubaï, Doha et Abou Dhabi. Avec l’apport de Jet Airways, Air France-KLM veut rediriger le trafic passager et du fret vers les Etats-Unis via l’Europe. Un véritable viaduc aérien qui partira de l’Inde pour rejoindre Paris, Amsterdam et Londres et terminer de l’autre côté de l’Atlantique. Un match à quatre, puisqu’il fait entrer en jeu non seulement Air France-KLM et Jet Airways mais aussi Delta Air Lines et la britannique Virgin.

Un quatuor qui a de fortes ambitions. Aujourd’hui, entre la France et l’Inde, a précisé M. Janaillac, « Air France-KLM et Jet Airways transportent 1,2 million de passagers par an. Nous devrions en transporter 1,7 million d’ici à 2020 ». Patrick Alexandre, directeur général adjoint commercial, ventes et alliances d’Air France-KLM, est encore plus optimiste. Il prévoit « une progression du trafic passagers de plus de 40 % en un an ». Une assurance fondée sur l’expérience. Déjà, près de 50 % des voyageurs venus d’Inde poursuivent leurs vols vers les Etats-Unis. « L’ambition est à la hauteur du potentiel du marché », ajoute M. Alexandre.

D’avance, les dirigeants d’Air France-KLM et ceux de Delta se frottent les mains. L’alliance avec Jet Airways devrait faire venir ou revenir sur leurs réseaux les passagers à « haute contribution », les hommes d’affaires principalement habitués à la business class. Celle qui rapporte le plus aux compagnies aériennes.

La déconfiture des politiques d’acquisitions d’Etihad

Pour les séduire encore un peu plus, Air France-KLM mise sur des vols directs entre l’Europe et l’Inde sans passer par les hubs du Golfe. Toutefois, estime Franck Terner, directeur général d’Air France, les trois compagnies du Golfe exercent « une concurrence très forte qui fait pression sur les tarifs ». Il n’empêche, la compagnie franco-néerlandaise veut faire passer sa part de marché entre l’Europe et l’Inde de 6 % aujourd’hui à 15 % à moyen terme. Elle a encore du chemin à parcourir. Pour l’heure, reconnaissent les nouveaux alliés, la première compagnie entre l’Inde et l’Europe, c’est l’allemande Lufthansa.

A l’examen, l’accord, entre Air France-KLM et Jet Airways illustre la déconfiture de la politique d’acquisitions d’Etihad. Plutôt que de gonfler sa flotte d’avions et de multiplier les destinations comme ses rivales Emirates et Qatar Airways, la compagnie d’Abou Dhabi avait, ces dernières années, choisi de prendre des participations minoritaires dans une petite dizaine de compagnies dans le monde. C’est ainsi qu’elle est devenue actionnaire à 24 % de Jet Airways en 2013.

Naresh Goyal, président fondateur de Jet Airways, a traité Etihad comme quantité négligeable. Non seulement il a signé un accord avec des concurrents de la compagnie d’Abou Dhabi, mais l’objectif affiché de ce nouveau partenariat est de détourner une bonne partie du trafic passagers des hubs du Golfe pour le rediriger vers l’Europe. Désormais, pour Etihad, la question du maintien de sa présence au capital de Jet Airways se pose.