L’émissaire de l’ONU, Staffan De Mistura, à Genève, le 28 novembre 2017, à l’occasion des négociations intersyriennes. / FABRICE COFFRINI / AFP

Les négociations intersyriennes de Genève sous l’égide des Nations unies ont repris, mardi 28 novembre, en demi-teinte. « Nous sommes prudents et nous voulons éviter toute exaltation hors de propos mais le processus redémarre », a assuré l’émissaire de l’ONU, Staffan De Mistura. Le diplomate a piloté, depuis le printemps 2016, ces pourparlers censés mettre un terme au conflit et enclencher une transition politique, sur la base de la résolution 2 254 de décembre 2015, endossée par tous les membres du Conseil de sécurité.

L’envoyé italo-suédois s’est entretenu au Palais des nations avec la Commission des négociations syrienne, l’opposition, qui pour la première fois arrive avec une délégation unie représentant ses différentes composantes, dont les groupes « du Caire » et « de Moscou », considérés jusque-là comme trop conciliants vis-à-vis de Damas. La délégation du régime ne devrait arriver au bord du Léman que mercredi – un retard de vingt-quatre heures destiné à marquer sa mauvaise humeur et un rapport de force.

Victorieux sur le terrain grâce à ses alliés russe et iranien, le régime compte imposer ses conditions

« On est sûr au moins qu’ils viennent », s’est félicitée la porte-parole des Nations unies, Alessandra Vellucci. Victorieux sur le terrain grâce à ses alliés russe et iranien, le régime compte bien imposer ses conditions. Comme avant chaque reprise des négociations, il a intensifié les opérations et les bombardements ciblant la Ghouta, une enclave rebelle aux portes de Damas. « Les enfants en sont réduits à manger les ordures », a affirmé à Genève une des responsables du Programme alimentaire mondial, Bettina Luescher. Un cessez-le-feu a été annoncé mardi par la Russie, également depuis Genève.

« Le régime a toujours refusé des discussions directes, arguant du fait que l’opposition était fragmentée. Ce prétexte n’existe plus et nous sommes prêts, comme depuis le début, à un face-à-face », a accusé Yahya Aridi, le porte-parole de l’opposition. M. De Mistura assure qu’il fera cette proposition au régime, mais personne ne se fait d’illusions. Damas refuse aussi toute discussion sur l’avenir de Bachar Al-Assad.

L’opposition, elle, s’est unifiée, au moins en apparence, avant la reprise des négociations : dans un texte commun, elle a mis une sourdine à son exigence d’un départ rapide du pouvoir du dictateur, tout en rappelant que cela demeurait son objectif final. Ce qu’elle a encore répété mardi à Genève.

Les discussions, selon la feuille de route de la résolution 2 254, doivent porter sur quatre thèmes : la création d’une « gouvernance crédible, inclusive et non-sectaire », l’élaboration d’une nouvelle Constitution avec un « dialogue ou une conférence nationale », la préparation d’élections « sous la supervision des Nations unies » et « la lutte contre le terrorisme ». Elles risquent bien de rester au point mort.

« Seul forum légitime »

L’enjeu de ces négociations est avant tout, pour l’ONU comme pour les Occidentaux, de montrer qu’ils reprennent la main. Face à un activisme diplomatique russe efficace mais qui montre ses limites, il s’agit de réaffirmer que Genève est « le seul forum légitime » pour une solution au conflit syrien. Une réalité que ne conteste pas Vladimir Poutine, reconnaissant la centralité de l’ONU et de la résolution 2 254.

En outre, son projet d’un congrès des peuples de Syrie à Sotchi, au bord de la mer Noire, piétine. « Cela n’est pas facile pour le Kremlin de concilier les intérêts inconciliables de ses alliés et vassaux, ce qui donne un peu plus de temps à Genève pour arriver à faire bouger les lignes », note un diplomate occidental.

A l’initiative de la France s’est tenue, le 28 novembre au Palais des nations, une réunion du « groupe de contact », qui regroupe les représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. La Russie se serait montrée plutôt coopérative, après avoir fait pression pour que la délégation du pouvoir syrien vienne à Genève. Elle seule peut obliger Damas à faire des concessions. Bassma Kodmani, une des figures de l’opposition présente à Genève, le reconnaît : « La marge ainsi ouverte est étroite, mais elle nous donne l’espoir de pouvoir un peu avancer. »