Emmanuel Macron et Roch Marc Christian Kaboré, le 28 novembre à Ouagadougou. / LUDOVIC MARIN / AFP

Emmanuel Macron superstar. Dans les couloirs de l’Hôtel Ivoire d’Abidjan, où commençait mercredi 29 novembre le sommet Union africaine-Union européenne, le président français est au centre de toutes les attentions. En revanche, certains de ses propos tenus la veille à Ouagadougou, devant 800 étudiants, ont été diversement appréciés.

« Très content du discours », le président guinéen Alpha Condé s’est dit sur RFI « convaincu » que la « détermination » du jeune président allait enfin contribuer à couper le « cordon ombilical », après les multiples promesses de ses prédécesseurs de « mettre fin à la Françafrique ». Mais le ton parfois ironique du président français a été reçu avec plus de réserves. « Il a dérapé », juge un ministre des affaires étrangères africain, sous le couvert de l’anonymat. « La petite phrase sur la clim’ était désastreuse, renchérit l’un de ses conseillers. Les chefs d’Etat qui étaient déjà arrivés à Abidjan hier [mardi] ont pris ça comme une insulte. »

Dans l’amphithéâtre bondé de Ouagadougou, mardi, M. Macron avait fait rire son public aux dépens de son hôte, le président Kaboré, en répondant à une question sur l’énergie en général, la climatisation défectueuse de la faculté en particulier, précisant qu’il n’était pas une puissance coloniale et n’avait pas à s’occuper de pareils sujets. « Du coup, il s’en va ! Reste ! », a ri Macron, alors que M. Kaboré quittait la salle un moment. « Il est parti réparer la climatisation », a ironisé le chef de l’Etat.

« Tout ça est ridicule »

Mercredi à Abidjan, l’Elysée a nié tout « problème » avec le président Kaboré et tout « buzz » négatif. Le président burkinabé « a choisi ce moment malheureux pour une pause technique, résume un conseiller de M. Macron. S’il y avait eu un problème coté burkinabé, ils seraient tous sortis de la salle ». De fait, les étudiants ne se sont pas formalisés de l’épisode. Et ils ont semblé apprécier le ton parfois direct du chef de l’Etat, qui n’a pas hésité à les rabrouer. L’entourage de Kaboré a aussi nié tout incident.

Interrogé sur le sujet à la résidence de France, mercredi soir à Abidjan, Emmanuel Macron a critiqué les « vrais paternalistes » qui considèrent « qu’on ne peut pas faire d’humour avec un dirigeant africain ». « Je l’aurais fait avec un dirigeant européen avec qui j’ai ce type de relation », a ajouté le chef de l’Etat, qui a précisé que sa blague avait « fait rire » le président du Burkina Faso. « Tout ça est ridicule », a balayé M. Macron.

Tout le monde ne partage pas son sens de la plaisanterie. « Il est transgressif, mais là, ce fut un peu grossier, soupire un autre ministre. Sous le couvert de l’humour, Macron a ridiculisé le président Kaboré. Par ailleurs, quand Macron dit qu’il est d’une autre génération, il doit aussi savoir qu’il est comptable de toute l’Histoire de France. » Plus nuancé, un membre important d’un cabinet présidentiel explique avoir apprécié la « tonicité du président », qui a accepté de débattre « sans langue de bois » avec un public non acquis d’avance, ce qui témoigne d’un certain courage. Mais « Macron doit apprendre à respecter ses hôtes », ajoute-t-il.