L’état de la cuve du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville (Manche) continue de susciter de fortes réserves et inquiétudes. Jeudi 30 novembre, plusieurs ONG, dont Réseau sortir du nucléaire et Greenpeace, qui dénoncent des anomalies dans la construction de cette cuve, ont dit avoir déposé un recours devant le Conseil d’Etat demandant l’annulation de l’accord récemment donné par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

« Cette cuve n’a pas été fabriquée selon les règles de l’art, il y a eu des malfaçons (…). L’ASN aurait dû mettre son veto à l’utilisation possible de cette cuve », a déclaré Charlotte Mijeon, porte-parole du Réseau sortir du nucléaire.

Dans son avis définitif, rendu le 10 octobre, l’ASN a estimé que « l’anomalie de la composition en carbone de l’acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville n’est pas de nature à remettre en cause la mise en service de celle-ci ». Cet accord a été assorti de conditions : remplacement du couvercle avant la fin de 2024 et « contrôles en service » réguliers.

Une concentration excessive en carbone avait été détectée à la fin de 2014 sur l’acier du fond et du couvercle de la cuve forgée à l’usine Creusot Forge d’Areva, affaiblissant potentiellement leur résistance, alors que la cuve est un équipement capital dans le confinement de la radioactivité d’un réacteur.

« Quand on fait les calculs, ça passe encore »

« En rendant cet avis, l’ASN déroge à un certain nombre de principes de la sécurité nucléaire et fait en sorte de permettre la mise en service et l’utilisation de cette cuve, alors bien sûr sous conditions, mais ça ne revient pas à avoir une sécurité identique à celle qui était prévue initialement par la réglementation », a déclaré Samuel Delalande, avocat qui représente les ONG.

L’ASN doit encore procéder à une épreuve d’ensemble pour autoriser la mise en service de la cuve. EDF prévoit de démarrer l’EPR de Flamanville à la fin de 2018, pour une mise en service commerciale en 2019.

Lors d’une audition au Sénat, jeudi, le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet, a justifié une « décision compliquée ». « L’excès de carbone dans la cuve fait qu’in fine les marges, la robustesse de la cuve est moindre que si elle n’avait pas eu l’anomalie. Néanmoins quand on fait les calculs, ça passe encore », a-t-il expliqué, notant que ces « marges réduites » et les difficultés de contrôle du couvercle avaient poussé l’ASN a demandé son remplacement d’ici à la fin de 2024.