Série sur Netflix à la demande

She's Gotta Have It | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 02:09

Quelle fraîcheur et quel cri de révolte habilement habillé en vivifiante comédie de mœurs ! Reprenant les bases de son film Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (She’s Gotta Have It, 1986), le cinéaste Spike Lee redonne vie à son héroïne noire. Soit l’histoire, dans le ­Brooklyn gentrifié d’aujour­d’hui, d’une jeune artiste peintre revendiquant son côté « pansexuel » de « polyamoureuse libérée ». « Je ne suis pas une obsédée, ni une accro au sexe, précise Nola face caméra. Avant tout, je sais que je n’appartiens à personne. »

Comme dans le film à l’origine de cette série, Nola a trois amants – plus une amoureuse –, qu’elle aimerait voir seulement lorsqu’elle le souhaite vraiment… Car Nola ne supporte pas que l’on décide de sa vie et entend se  débrouiller pour se définir ­elle-même, pour découvrir ce qui la rend heureuse. Pas plus, mais pas moins. Voilà ce qui frappe d’emblée : la folle énergie et la belle combativité de Nola – superbement interprétée par De­Wanda Wise –, qui, à l’image de l’ensemble de la série, allie vaillamment liberté de ton et ­engagement politique, grain de folie et fond social.

« Hey, meuf ! »

Pour n’en rien « divulgâcher », rappelons seulement un des événements qui, intervenant dès le premier épisode, rend la série She’s Gotta Have It si stimulante. Nola, un soir qu’elle rentre chez elle à pied, ne supporte pas d’être interpellée par un « Hey, meuf ! », puis brutalisée et insultée – « Je te parle, salope ! » –, avant de s’échapper sur un « Va te faire foutre ! Garde-la, ta chatte qui pue ! Sale pute black ! »

Meurtrie, apeurée et choquée, mais aussi tellement exaspérée par tous les « Chérie, t’es trop bonne ! », « Poupée, je te veux » et autres « compliments » qui ponctuent le plus souvent une simple balade dans New York, Nola ­mènera, seule et secrètement, une campagne d’affichage intitulée « Je ne m’appelle pas », en y ajoutant, au choix, selon les affiches : « Ma belle », « Poupée », « Chérie », « Ma poule », etc. Un travail artistique résolument féministe et antimisogyne, inventé dans la colère et mené avec détermination.

She's Gotta Have It | Sneak Peak | Netflix
Durée : 01:46

Si Spike Lee avait écrit son film de 1986 seul – en y insérant un viol qui fit débat, à l’époque –, la série, elle, est le fruit de la ­réflexion d’un groupe de femmes qu’il a réunies autour de lui : sont intervenues à l’écriture aussi bien l’auteure de théâtre et Prix ­Pulitzer Lynn Nottage que la sœur de Spike Lee, Joie, et les scénaristes Radha Blank et Eisa Davis. D’où le tour de force de faire de Nola, non pas seulement un personnage crédible, ou mê­me aimable, mais une sorte de modèle féminin se battant pour sa liberté… D’autant que chaque épisode est traversé par des éléments de réflexion – un thème, une coloration sociale ou politique, un élément dramatique – qui ancrent bel et bien cette série dans l’actualité.

Il n’est pas donné à tous les cinéastes, aussi talentueux soient-ils, de trouver la formule magique aboutissant à une vraie série ­enivrante, et non un long film à épisodes. Spike Lee y parvient ­totalement, tout en essayant d’inventer un nouveau langage visuel entre la mise en scène, la réalisation et la musique – les épisodes se trouvant même ponctués de photos des pochettes des disques ­entendus dans la série.

She’s Gotta Have It, série créée et réalisée par Spike Lee. Avec DeWanda Wise, Anthony Ramos, Cleo Anthony, Liriq Bent (EU, 2017, 10 x 30 minutes).