Le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, le 30 novembre. / Cliff Owen / AP

L’hypothèse d’un départ prématuré de Rex Tillerson du département d’Etat évoqué depuis l’été à Washington a repris de la vigueur jeudi 30 novembre. Tout d’abord avec la publication par le New York Times d’un article s’appuyant sur des sources anonymes internes à l’administration. Ensuite du fait du commentaire laconique du président des Etats-Unis, Donald Trump, pourtant prompt à dénoncer les « informations bidons » d’un quotidien souvent accablé de sarcasmes.

« Rex est là », s’est-il contenté de répondre à des questions sur le sort de son secrétaire d’Etat, alors qu’il recevait à la Maison Blanche le prince héritier de Bahreïn, Salman ben Ahmad Al-Khalifa, en compagnie de M. Tillerson. Interrogée un peu plus tard, la porte-parole du président, Sarah Sanders, a fait savoir pour tout démenti que « quand le président perd confiance en quelqu’un, cette personne part ». La porte-parole de Rex Tillerson, Heather Nauert, a assuré de son côté que le chief of staff de la Maison Blanche, John Kelly, avait assuré à l’équipe du secrétaire d’Etat que ces informations du New York Times, recoupées par le Washington Post, étaient fausses.

De nombreux désaccords

En choisissant de ne pas démentir avec plus de force les articles de jeudi, la Maison Blanche contribue pourtant à affaiblir un peu plus un responsable déjà en difficulté. Les divergences entre M. Trump et M. Tillerson ont en effet été nombreuses en dix mois, qu’il s’agisse de la sortie de l’accord de Paris, de la gestion de la crise nord-coréenne ou de celle qui oppose l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis au Qatar, ou encore à propos de l’accord international sur le nucléaire iranien.

Désavoué publiquement à de nombreuses reprises, y compris sur le compte Twitter du président, M. Tillerson a dû en outre se prêter en octobre à un exercice embarrassant d’allégeance. Il intervenait après la publication d’un compte rendu d’une réunion au Pentagone au cours de laquelle le secrétaire d’Etat aurait qualifié le président de « crétin ». Le secrétaire d’Etat avait refusé de dire s’il avait ou non utilisé cette expression.

Les relations délicates avec la Maison Blanche se doublent en outre d’un profond isolement de M. Tillerson au sein de sa propre administration à la suite d’une tentative de réforme à la hussarde. Imputable à la fois à la Maison Blanche, qui souhaite soumettre l’institution à une cure d’austérité, et aux atermoiements de son diplomate en chef, le département d’Etat pâtit d’une série de vacances à des postes stratégiques.

Crise de confiance

Cette situation a attiré mercredi et jeudi dans le New York Times puis dans le Washington Post, des tribunes alarmistes signées pour la première par d’anciens ambassadeurs ayant servi sous des administrations démocrate et républicaine, Nicolas Burns et Ryan Crocker, et pour la seconde par l’ancienne secrétaire d’Etat démocrate Madeleine Albright. Le 2 novembre, interrogé sur la chaîne Fox News à propos de ces vacances, M. Trump avait rétorqué : « Je suis le seul qui compte. »

Même si Rex Tillerson reste dans l’immédiat à son poste, il ne peut apparaître que diminué aux yeux de ses interlocuteurs internationaux, alors qu’il doit effectuer une tournée en Europe la semaine prochaine. Une crise de confiance qui survient alors que la diplomatie des Etats-Unis est confrontée à l’impasse liée aux projets balistiques et nucléaires nord-coréens, à des tractations difficiles à propos de la Syrie, ou encore aux incertitudes créées par le ton résolument offensif adopté par la nouvelle administration envers l’Iran.

Les noms avancés jeudi pour remplacer M. Tillerson ne sont pas de nature à faire baisser cette tension. Le directeur de la CIA, l’ancien représentant républicain du Kansas Mike Pompeo, apparaît de longue date comme un postulant sérieux. Le jeune sénateur républicain de l’Arkansas Tom Cotton, devenu proche de M. Trump, pourrait alors le remplacer à la tête de l’agence de renseignement américaine. L’un comme l’autre sont réputés pour leur hostilité envers l’Iran et envers l’accord encadrant strictement les ambitions nucléaires de Téhéran.