Un JRPG, ce n’est pas qu’un style de jeu de rôle japonais. C’est aussi un contrat, un engagement d’aventures et de péripéties, un mélange d’espiègleries et de bons sentiments. Celles de Xenoblade 2 commencent par la mort de Rex, un jeune garçon, ferrailleur dans un monde où les mers sont remplacées par des nuages. Courageux mais visiblement insouciant, il meurt assassiné par un méchant avant d’être ramené à la vie aussitôt après par Pyra, une jeune fille mystérieuse et puissante.

Pour la remercier, Rex décide de l’escorter jusqu’au mythique Elysium, le supposé dernier
bastion de l’humanité que personne n’a jamais vraiment vu. Un voyage initiatique qui emporte ces personnages et le joueur à travers les vastes étendues que sont les corps des Titans, derniers vestiges habitables d’un monde ésotérique.

Xenoblade est un des rares jeux à jouir d’une popularité telle que les fans se sont mobilisés
massivement pour lui, jusqu’à monter l’« Operation Rainfall », mobilisation en ligne pour que des RPG japonais puissent sortir en Europe. Cela a marché, et Nintendo sort désormais systématiquement les siens en Occident.

Migraine de RPG

Xenoblade Chronicles 2 - Nintendo Switch Presentation 2017 Trailer
Durée : 01:54

La première chose à faire lorsque l’on se lance dans Xenoblade 2, c’est désactiver les voix digitalisées pendant les combats. Non pas que le doublage anglais soit loupé. Au contraire, il est riche de multiples accents irlandais, gallois et écossais, comme dans le premier épisode. Les voix japonaises sont même en option. Le problème, c’est lors des affrontements, avec un effectif d’au moins six personnages à l’écran dans une pagaille générale. Ce sont toujours les mêmes phrases, les mêmes interjections, lancées en même temps. Cette bouillabaisse auditive est si pénible qu’elle épuise. On désactive ce chaos dans le menu, une manière simple d’économiser l’aspirine.

Si les personnages sont si nombreux, c’est qu’ils viennent par deux. Dans le monde de Xenoblade 2, les combattants sont des Pilotes et sont accompagnés de Lames (les Blades). Le nom est trompeur puisqu’il ne s’agit pas d’objets coupants mais de véritables entités – objets humanoïdes ou animaux. On peut les créer à volonté grâce à des artefacts récoltés en chemin, ce qui est intéressant d’un point de vue jeu mais qui les rend moins uniques. Au bout d’un moment, on se retrouve avec un véritable cheptel de personnages un peu lambda, bons à aller accomplir des quêtes à notre place. L’important, c’est que ces Lames fournissent et contrôlent les armes et l’énergie pour se battre.

Ces combats reprennent en grande partie le travail déjà effectué dans Xenoblade Chronicles
et Chronicles X, c’est-à-dire une certaine approche de l’automatisation. Depuis Final Fantasy XII, l’affrontement semi-automatique repose sur la notion de rupture : on roue de coups son adversaire jusqu’à atteindre un certain degré de dégâts. Pour le joueur, le plaisir repose en grande partie sur le fait de « sentir » ce moment, quand on sait qu’on a déjà presque gagné, à l’image d’une balle de match au tennis. Les combats de Xenoblade 2 donnent eux le sentiment d’être vraiment très longs, sans jamais vraiment toucher à cette grâce.

Souvent, les ennemis arrivent en nombre, et l’on perd complètement ce blitz de la victoire – on enchaîne ces duels un peu contraint et forcé. C’est un système qui a déjà fait ses preuves, qui est carré et qui demande en apparence assez peu d’implication : on attend que ses jauges de techniques soient remplies, on choisit une position à côté de son adversaire, on frappe automatiquement puis on l’assomme de coups spéciaux. Le système est ultrasimple à appréhender, mais il faut par contre beaucoup de stratégie pour mettre de l’effet et envoyer les monstres valdinguer dans les airs.

Crabe ennemi géant

Si l’histoire s’étend sur des dizaines d’heures, c’est parce que ses étendues sont gigantesques. Mais aussi parce qu’on y trouve des séries de quêtes « Fedex », souvent absurdes, dans lesquelles on navigue d’un point A à un point B pour récupérer des objets. Quelques exemples : collectionner les scarabées rares, risquer sa vie pour trouver des ingrédients pour la peinture d’un peintre, faire pousser des légumes ou encore retrouver un mari perdu quelque part, parti se goinfrer de chocolat… Une caractéristique habituelle des RPG Japonais. Mais l’ADN de Xenoblade est mixte.

Xenoblade, premier du nom, était une fusion d’influences japonaises et occidentales. Chronicles X sur Wii U était un jeu expérimental, un monde ouvert complètement influencé par la « Hard SF » américaine. Xenoblade Chronicles 2 est l’aventure la plus japonaise jamais conçue par Monolith Soft pour Nintendo. L’exemple le plus frappant est le choix du design, beaucoup plus orienté « japanimation ». Des grands yeux, les couleurs vives des costumes, une participation spéciale de Tetsuya Nomura (Final Fantasy VII)… Mais à part ses quelques antagonistes, de très loin les plus beaux, ces nouveaux personnages sont souvent moches.

Le jeu tombe aussi dans des travers affligeants, comme la poitrine outrageusement énorme de Pyra et ses cyber-vêtements complètement échancrés, ou ce personnage d’androïde déguisé en soubrette au service d’un PNJ un peu vicieux. Monolith Soft ne fait pas ici un quelconque commentaire sur la société japonaise : c’est le travail d’un développeur qui épouse complètement ses origines et les couches les plus profondes de l’otakisme national.

Il faut passer outre pour apprécier la principale force des Xenoblade, le plaisir de gambader dans de grands espaces qui sont en fait des membres de Titans figés depuis des années. On y trouve une végétation luxuriante et une faune abondante formée au fil du temps. Comme pour Zelda, y jouer sur le petit écran de la Switch n’est pas forcément à la hauteur des ambitions de sensations de profondeur. On aurait aimé une mappemonde plus pratique, des menus mieux construits, un tutoriel digne de ce nom ou tout simplement un scénario avec moins de trous d’air.

Un grand RPG, c’est un récit initiatique, qui donne envie de serrer les poings en vibrant pour ses personnages. L’expérience d’aujourd’hui est clairement inférieure à l’originale, et c’est normal : c’est une variation autour des mêmes thèmes, moins surprenante et moins estomaquante. Quelques fulgurances, ça et là, ne font pas de Xenoblade Chronicles 2 un classique, loin de là. Pour son niveau de production, le jeu mérite amplement le sceau de qualité que l’on trouvait naguère généreusement sur tous les jeux Nintendo. De la NES à la Switch, label ou pas, Nintendo s’est toujours engagé à garantir cette qualité. Mais la seule chose qu’on ne peut pas forcer, c’est la passion.

L’avis de Pixels :

On a aimé :

  • Les combats à la « Xeno », une mécanique toujours très efficace
  • Un monde intéressant
  • Certaines musiques très soignées

On a moins aimé :

  • Le design affreux des personnages
  • Les jacasseries durant les combats
  • Les dialogues, parfois à se taper la tête contre les murs de bêtise
  • De vrais problèmes de finition

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous jouez plutôt sur votre télé plutôt que sur la Switch en mode portable
  • Vous aimez les longues aventures
  • Vous êtes en manque de RPG

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Les RPG aux combats automatiques vous ennuient
  • Vous avez fait un trait sur les mascottes kawaï et les soubrettes

La note de Pixels :

3 × 2 personnages contre une dizaine de lapins sanguinaires.