Quatre candidats officiels pour l’un des postes les plus puissants de l’Union européenne ! Les ministres des finances de la zone euro vont devoir choisir, lundi 4 décembre, qui de ces postulants sera chargé de présider leurs débats, à partir de mi-janvier 2018 et pour deux ans et demi.

Jeudi 30 novembre, le Conseil européen a confirmé que le Portugais Mario Centeno, le Luxembourgeois Pierre Gramegna, le Slovaque Peter Kazimir et la Lettone Dana Reizniece-Ozola, tous ministres en exercice, avaient officiellement fait part de leurs intentions.

Le vote aura lieu à bulletin secret et une majorité simple (dix voix sur dix-neuf au total) suffira pour désigner l’heureux élu. Il prendra la suite du Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, qui rendra son tablier après deux mandats consacrés presque exclusivement à gérer la crise des dettes souveraines en zone euro.

A la tête d’une instance considérée comme un quasi-gouvernement de l’eurozone, le prochain président aura comme premier défi à relever celui de faire sortir la Grèce de ses plans d’aide successifs. Le troisième plan s’achève théoriquement mi-août 2018, et personne à Bruxelles ni, surtout, à Berlin n’imagine devoir de nouveau prêter à un pays qui a bénéficié depuis 2011 de près de 300 milliards d’euros de prêts cumulés.

  • Le Portugais Mario Centeno

Le ministre des finances portugais, le 30 novembre, à Lisbonne. / RAFAEL MARCHANTE / REUTERS

Mario Centeno, 50 ans, ministre sans étiquette du gouvernement socialiste d’Antonio Costa, faisait figure de favori jeudi 30 novembre au soir. En fonction depuis deux ans, cet économiste était jusqu’à présent plutôt discret à Bruxelles, au sein d’un Eurogroupe largement dominé par Wolfgang Schaüble, l’Allemand ayant fait figure de « patron » officieux du club jusqu’à son départ au début de cet automne.

Le Portugais aurait cependant été choisi par le président Emmanuel Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre italien, Paolo Gentiloni, lors d’une réunion des trois dirigeants en marge d’un sommet Union européenne-Union africaine, à Abidjan, mercredi 29 novembre. « C’est clairement un des candidats qui remplit nos critères de choix : la compétence, l’expérience et une vision pour l’avenir de l’eurozone », assure-t-on dans l’entourage du ministre français, Bruno Le Maire.

L’exécutif français ne prend pas du tout le poste à la légère. C’est le futur président de l’Eurogroupe, qui animera les discussions à venir sur les propositions de réforme de la zone euro voulues par la France : une ligne budgétaire spécifique, la création d’un fonds monétaire européen et, peut-être un jour, la mise en place d’un « super-ministre » des finances européen… A Bruxelles, c’est la famille sociale-démocrate qui promeut le plus ces avancées. Les conservateurs (surtout du nord de l’eurozone) refusent encore d’aller vers davantage de solidarité entre les Etats membres.

Bruno Le Maire a, un temps, convoité le poste, mais, selon nos informations, la présidence Macron l’en a dissuadé. Il est vrai qu’une candidature hexagonale aurait été mal perçue à Bruxelles, où les finances publiques françaises restent sous contrôle rapproché de la Commission et sont, depuis neuf ans désormais, hors des clous du « pacte de stabilité et de croissance ».

  • Le Slovaque Peter Kazimir

Le ministre des finances slovaque, Peter Kazimir, à Luxembourg, en 2015. / Virginia Mayo / AP

Peter Kazimir est également social-démocrate, mais ses positions intransigeantes à l’égard d’Athènes durant la crise grecque ne passent pas à Paris. Il pourrait cependant remporter les suffrages des « orthodoxes », Finlandais ou Néerlandais.

  • Le Luxembourgeois Pierre Gramegna

Le ministre des finances luxembourgeois, Pierre Gramegna, à La Vallette, à Malte, en avril. / Rene Rossignaud / AP

Pierre Gramegna pourrait, lui aussi, briguer ces suffrages, mais sa nationalité ne joue pas en sa faveur. Le Grand Duché a déjà eu le poste, Jean-Claude Juncker ayant été le premier président de l’Eurogroupe, de 2005 à 2013. Surtout, le Luxembourg passe pour un des mauvais élèves de la classe européenne en matière de lutte contre l’optimisation fiscale.

  • La Lettone Dana Reizniece-Ozola

La ministre des finances lettone, Dana Reizniece-Ozola, à Riga, en février 2015. / Ints Kalnins / REUTERS

Dana Reizniece-Ozola, 36 ans, la plus jeune des quatre candidats, membre d’un parti écologique de centre droit, est aussi grand maître international d’échecs. Elle est peu connue de ses pairs, mais pourrait constituer la surprise, lundi. Car, jeudi, beaucoup restaient prudents sur l’issue du vote, d’autant que chaque pays détient une voix, quelle que soit sa taille. « Depuis que Paris a gagné l’Autorité bancaire européenne [une surprise à Bruxelles], [qui quittera Londres en raison du Brexit], je ne fais plus aucun pari », explique une source européenne…

En tout cas, cette élection élude le débat, récurrent, sur le manque de transparence et le déficit démocratique de l’Eurogroupe. Le club n’a-t-il pas présidé aux destinées de la Grèce sans qu’à aucun moment M. Dijsselbloem n’aille s’expliquer devant la Vouli, le Parlement grec ? La Commission européenne devrait certes proposer le 6 décembre, que le poste de commissaire européen à l’économie et celui de président de l’Eurogroupe soient fusionnés. Le commissaire, Pierre Moscovici, a cru pouvoir brûler les étapes en briguant tout de suite la tête de l’Eurogroupe, mais il a finalement renoncé à candidater, faute de soutien du côté social-démocrate.