La vaccination d’un bébé à Quimper, le 19 septembre 2017. / FRED TANNEAU / AFP

Une requête déposée par l’avocate Jacqueline Bergel au nom d’un collectif de 3 000 personnes et enregistrée, mardi 14 novembre, par le Conseil d’Etat, selon les informations du Monde, va relancer la controverse sur la présence de sels d’aluminium dans les vaccins. La question, longtemps cantonnée à des débats entre scientifiques mais dont se sont récemment emparés les collectifs vaccino-sceptiques, devra désormais aussi être étudiée par la justice administrative.

C’est en vertu du « principe de précaution » que l’avocate, initialement spécialiste du droit immobilier, demande l’interdiction des sels d’aluminium dans les vaccins obligatoires (qui passeront de trois à onze à partir du 1er janvier 2018 pour les enfants à naître afin d’améliorer la couverture vaccinale) et insiste pour que les autorités contraignent les laboratoires pharmaceutiques à utiliser « des adjuvants alternatifs », « tels que le phosphate de calcium ». Jacqueline Bergel se réfère, notamment, aux travaux de l’équipe du professeur Romain Gherardi (Inserm, AP-HP) pour dénoncer les « effets secondaires néfastes tant pour les enfants très jeunes que pour les adultes » que provoqueraient les adjuvants aluminiques.

Rejet implicite

Cette procédure, « en aucun cas une remise en cause de la vaccination », précise-t-elle, a été lancée au cœur de l’été par une « demande préalable » de retrait de ces adjuvants, adressée au ministère de la santé alors que la ministre, Agnès Buzyn, expliquait, dans un climat de défiance vaccinale, les raisons pour lesquelles elle voulait faire passer de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires.

Le rejet implicite par le ministère de la demande de l’avocate a permis à cette dernière de déposer sa requête devant le Conseil d’Etat et d’obliger la justice à se pencher sur le sujet. Une audience aura lieu au terme de la phase d’instruction – de plusieurs mois – durant laquelle les parties s’échangeront pièces et mémoires.

Les adjuvants à l’aluminium incriminés sont utilisés depuis près d’un siècle par l’industrie pour stimuler la réponse immunitaire, mais depuis quelques années ils sont soupçonnés d’être à l’origine de maladies graves et invalidantes chez certaines personnes au profil génétique particulier.

En France, l’équipe du professeur Romain Gherardi, chef de service du centre de référence des maladies neuromusculaires à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, est celle qui, en 1998, a décrit la myofasciite à macrophages. Le lien entre la vaccination et l’apparition des symptômes de cette maladie (fatigue chronique souvent associée à des troubles cognitifs, douleurs musculaires) ne fait, pour lui, plus guère de doute. Certains organismes n’élimineraient pas correctement les sels d’aluminium injectés là où la quasi-totalité de la population parvient à le faire. Les nanocristaux d’aluminium emprisonnés dans les macrophages migreraient alors vers le cerveau.

Pas de consensus

Ces conclusions sont partagées par d’autres équipes à l’international, mais ne font pas consensus. Aucune étude épidémiologique n’a pour le moment permis de trancher le débat. Les études indépendantes qui permettraient d’y voir plus clair peinent à trouver des financements. Dans le doute, les chercheurs et les associations, comme E3M, qui rassemble les malades de la myofasciite à macrophages, proposent de remplacer l’adjuvant controversé par un autre.

Agnès Buzyn s’est déjà exprimée sur les adjuvants. « Ils ne sont pas nocifs pour la santé, ainsi que tous les rapports le montrent », a-t-elle répondu fin juillet à une députée La République en marche qui l’interrogeait sur le sujet à l’Assemblée. Fin septembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament a rappelé, dans un communiqué, que, « à ce jour », « aucun signal de sécurité lié à l’aluminium contenu dans les vaccins n’a conduit à remettre en cause le rapport bénéfice/risque des vaccins contenant de l’aluminium, en France, et à travers le monde ».