Editorial du « Monde ». L’Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances des pays de la zone euro, élira, lundi 4 décembre, un nouveau président. Alors que le mandat du Néerlandais Jeroen Dijsselbloem à la tête de ce quasi-gouvernement de la monnaie commune s’achève, le Portugais Mario Centeno fait désormais figure de favori.

Quel que soit le résultat de cette élection, il s’agit d’une nouvelle occasion manquée de réformer en profondeur cette instance, dont le peu de transparence et le déficit démocratique n’ont cessé d’être pointés. L’Eurogroupe a ainsi présidé aux destinées de la Grèce pendant la crise de la dette, sans qu’à aucun moment M. Dijsselbloem n’aille s’expliquer devant la représentation nationale hellène, alors qu’il contraignait le pays à adopter des coupes budgétaires à répétition ainsi qu’une succession de réformes des retraites et de la fiscalité. Au plus s’est-il soumis, et encore, souvent de mauvaise grâce, à des auditions devant le Parlement européen.

Dans l’objectif de relancer la construction européenne, la France cherche à combler ce déficit démocratique en proposant la création d’un Parlement européen de la zone euro. Mais l’idée n’a, à ce jour, aucun soutien à Bruxelles, tandis que celle d’un « super-ministre » des finances, qui présiderait l’Eurogroupe à plein-temps a du mal à convaincre. Les Allemands ne sont pas totalement contre, mais pas tout de suite. Les Néerlandais, les Luxembourgeois ou les Finlandais ne diraient pas non, mais à condition que ce super-ministre n’ait aucune marge de manœuvre.

Des conditions à remplir

Ces dernières semaines, Pierre Moscovici a tenté de préempter ce débat institutionnel en testant une candidature à la présidence de l’Eurogroupe. Mais le commissaire européen à l’économie n’a pas réussi à obtenir le soutien de sa propre famille politique, les sociaux-démocrates. Quant à Pier Carlo Padoan, le grand argentier italien, c’est aussi parce que certains craignaient qu’il ne devienne de facto président permanent de l’Eurogroupe, s’il perdait son poste de ministre lors des élections générales en Italie au printemps 2018, qu’il a finalement renoncé à candidater pour succéder à M. Dijsselbloem.

Désormais, pour espérer réformer l’Eurogroupe, il faudra probablement laisser passer les élections européennes de 2019. Mais d’ici là, plusieurs conditions doivent être remplies. D’abord, il faut que l’Allemagne trouve un accord de coalition, dont les protagonistes soient favorables à une intégration plus poussée de la zone euro. Ensuite, la France doit rétablir sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires européens pour espérer convaincre de la suivre sur son agenda de réformes.

Emmanuel Macron sait qu’il ne pourrait rien obtenir tant que Paris ne reviendra pas de façon durable dans les clous du pacte de stabilité et de croissance, alors que, ces neuf dernières années, le fameux plafond d’un déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB) n’a pas été respecté. Cet objectif est en bonne voie avec des budgets 2017 et 2018 qui s’inscrivent enfin dans ce cadre.

Quant au fonctionnement de l’Eurogroupe proprement dit, avant de réclamer plus de démocratie à Bruxelles, la France gagnerait à faire davantage vivre la sienne. Si Berlin et l’incontournable Wolfgang Schäuble ont autant pesé au sein de l’Eurogroupe, c’est en partie parce que le ministre des finances allemand a dû systématiquement défendre devant son Parlement national ses positions à Bruxelles. Idem pour son collègue néerlandais. Associer davantage les députés français aux débats européens ne serait pas un luxe pour convaincre que l’Eurogroupe doit être plus démocratique.