• Russie-Arabie saoudite (Groupe A)

Vladimir Poutine et le roi Salman d’Arabie saoudite, lors de la visite d’Etat de ce dernier à Moscou en octobre dernier. / Alexei Nikolsky / AP

Match d’ouverture de la 22e Coupe du monde, ce Russie - Arabie saoudite est peut-être plus attendu par les spécialistes de relations internationales que par les amateurs de ballon rond. Dans un groupe A assez ouvert, l’équipe hôte de la compétition devra faire bonne figure face aux Saoudiens pour avoir une chance de sortir de la poule, ce qu’on fait tous les pays organisateurs depuis 1930, hormis l’Afrique du Sud en 2010.

Ce match, c’est aussi la rencontre de deux superpuissances pétrolières, qui à elles deux représentent près d’un quart de la production mondiale. Si la Russie n’appartient pas à l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole), elle a récemment fait le choix de s’aligner sur la position portée par l’Arabie saoudite : réduire la production pétrolière pour relancer le cours du baril de brut.

La rencontre intervient en plein réchauffement des relations entre deux pays, historiquement opposés compte tenu de l’alliance entre Ryad et Washington d’un côté, et Moscou et Téhéran de l’autre. Leur politique des prix pétroliers a souvent été différente et la Russie soupçonne l’Arabie saoudite d’avoir financé l’opposition tchétchène. L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine a bouleversé les relations diplomatiques entre les deux pays.

Début octobre, le roi Salman d’Arabie saoudite a effectué la première visite en Russie d’un chef d’Etat saoudien, événement qui symbolise une recomposition des équilibres géopolitiques au Moyen orient. Alliée historique des États-Unis, Ryad veut diversifier ses options à l’heure où la Russie et l’Iran font front commun en Syrie.

  • Espagne-Maroc (Groupe B)

Malgré la règle qui empêche que plus de deux membres d’une même confédération se retrouvent dans le même groupe, l’Espagne affrontera en juin prochain deux pays avec lesquels elle partage des frontières : le Maroc et le Portugal.

La démarcation avec le Maroc est l’une des plus petites frontières terrestres du monde, puisqu’elle consiste en deux murs de séparation autour des enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta, longues d’une quinzaine de kilomètres au total. Depuis soixante ans, le Maroc revendique ces deux enclaves qu’il considère comme des vestiges de la colonisation.

Situées sur une route migratoire de plus en plus empruntée, ces deux enclaves sont les portes de l’Europe pour tous les migrants qui privilégient la route de Gibraltar. Le Maroc, dont les méthodes de répression sont plus dures, est indispensable à l’Espagne si elle veut stopper les migrants avant qu’ils ne commencent à escalader les grillages de barbelés aux lames tranchantes, hauts de six mètres.

Des candidats à l’immigration en Europe patientent en haut d’un grillage entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla, en 2014. / JOSE COLON / AFP

Raison pour laquelle Madrid tente de conserver les meilleures relations possibles avec Rabat, que certains observateurs et ONG locales soupçonnent d’utiliser cette question pour faire pression sur l’Europe sur le sujet brûlant du Sahara occidental.

Ancienne colonie espagnole, ce territoire a été annexé en 1975 par le roi du Maroc. Depuis, il est coincé entre revendication indépendantiste du Front Polisario et intransigeance marocaine qui considère ce territoire, grand comme la Grande Bretagne, comme l’une de ses provinces. Le Sahara occidental est toujours considéré par l’ONU comme un territoire non autonome.

La situation divise le champ politique espagnol, le Parti populaire au pouvoir, soucieux de maintenir de bonnes relations avec Rabat, ayant refusé en 2016 de soutenir à l’Onu la position d’une majorité de députés espagnols : « Assurer un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, étendre la mission de la Minurso (Mission de l’Onu au Sahara occidental) à la surveillance des droits de l’homme et exiger la libération de tous les prisonniers politiques sahraouis ».

  • Angleterre-Tunisie (Groupe G)

Sous ses airs de match anodin du premier tour, cette rencontre risque de raviver des souvenirs douloureux et d’inquiéter les autorités de Volgograd, où aura lieu le match. Lors de la Coupe du monde 1998, la rencontre entre ces deux équipes à Marseille avait occasionné deux jours d’affrontements violents.

Des supporteurs anglais brûlent le drapeau tunisien, le 14 juin 1998 à Marseille, avant le match entre les deux équipes. / GEORGES GOBET / AFP

La veille du match, des hooligans anglais, attaqués par la bière et le soleil, avaient provoqué les supporteurs adverses sur le Vieux-Port, brûlant un drapeau tunisien. Un geste d’hostilité qui avait déclenché de violentes réactions chez les Tunisiens, vite rejoints par de nombreux jeunes marseillais.

En quelques heures, la ville avait été transformée en ring géant, les rues tapissées de débris de bouteilles et les vitrines brisées. Cinquante personnes avaient été arrêtées à l’issue de ces violences ayant fait plusieurs dizaines de blessées.

Alors que Marseille a été le théâtre de règlements de compte en ville entre Anglais et Russes à l’été 2016, on peut se douter que la délégation britannique sera extrêmement surveillée par les autorités russes l’été prochain.

  • Suisse-Costa Rica (Groupe E)

Si le football vous semble trop belliqueux, que vous rechignez à voir deux pays s’affronter sur un terrain pour une quelconque suprématie sportive, ce match est peut-être fait pour vous : il oppose deux des dix pays ayant proclamé leur neutralité diplomatique.

D’un côté, la Suisse, neutre parmi les neutres, et ce depuis la signature en 1815 du Traité de Paris qui garantit la neutralité perpétuelle du pays. De l’autre, le Costa Rica, qui est devenu en 1949 le premier pays à tout bonnement supprimer son armée et a proclamé en 1983 sa « neutralité active », consistant à rechercher la paix régionale tout en refusant de soutenir l’une ou l’autre partie d’un conflit.

Premier de son groupe en 2014, le Costa Rica avait créé la surprise en éliminant deux géants du football, l’Italie et l’Angleterre. En cas de qualification en quarts de finale, Los Ticos pourraient trouver sur leur chemin, qui sait, leur voisin panaméen. Qui a lui aussi supprimé son armée dans les années 1990.

  • Belgique - Panama (Groupe G)

En attendant une éventuelle qualification pour la Coupe du monde de l’île de Man ou des îles Caïmans, ce match du premier tour entre la Belgique et le Panama ressemble un peu à un derby de l’optimisation fiscale.

D’un côté, le champion de l’évasion fiscale, qui abrite le désormais célèbre cabinet Mossack Fonseca, spécialiste de la création de sociétés écrans. De l’autre, un pays épinglé par la commission européenne pour son régime d’avantages fiscaux qui attire de nombreuses grandes fortunes et multinationales.

Une partie du monde du football sera sans doute derrière le Panama, qui est un peu sa seconde patrie - fiscalement au moins.