Statu quo, à Paris, sur les rythmes scolaires ? Si en rester à la semaine de 4,5 jours d’école est la « position de principe » affichée par la maire socialiste, Anne Hidalgo, l’opposition Les Républicains (LR) entend, elle, rouvrir le débat, comme l’y autorise le gouvernement. Reste à savoir comment.

Le questionnaire aux familles adressé, jeudi 30 novembre, dans le 9e arrondissement de la capitale par l’édile Delphine Bürkli (LR) a fait rire jaune certains parents d’élèves, même parmi ceux pour qui le maintien de la réforme des rythmes scolaires, telle qu’engagée à Paris depuis la rentrée 2013, ne va pas nécessairement de soi. « Questionnaire caricatural, cousu de fil blanc », glisse un parent. « Questions orientées », renchérit un autre.

« L’intérêt du questionnaire que je vous soumets est double, écrit la maire aux intéressés. Faire le point sur votre perception des temps scolaires et périscolaires dans l’école de votre enfant, et vous sonder sur le passage à la semaine de quatre jours en septembre 2018. »

Message anxiogène

Sur la vingtaine de questions soumise aux parents, aucune, pourtant, ne porte sur la perception des temps d’activités périscolaires, ces « TAP » que la municipalité a développés depuis trois ans en les regroupant sur deux après-midis, les mardis et vendredis.

« Connaissez-vous la signification du mot TAP ? », est-il demandé aux familles (question 10). Mais rien sur l’intérêt (ou l’absence d’intérêt) qu’en retirent les écoliers – « alors même que, dans notre quartier, l’offre est de qualité », souffle ce père, en citant notamment une initiation à la bande dessinée, une autre au japonais. Rien non plus sur le lien (ou l’absence de lien) entre temps scolaire et périscolaire.

C’est un message plutôt anxiogène qui se dégage des premières questions. « Savez-vous que le directeur de votre école n’est plus responsable de votre enfant pendant le temps du déjeuner ? » (question 7). « Savez-vous qu’il n’est plus responsable de votre enfant les mardis et vendredis à partir de 15 heures » (question 8). Ou encore : « Savez-vous qu’il n’est plus responsable de votre enfant pendant le service d’étude ou de goûter ? » (question 9).

D’autres interrogations, regroupées sous le titre « Les raisons d’un retour à la semaine de quatre jours », peuvent difficilement ne pas être lues comme un plaidoyer. Et pour cause… le rédacteur ne s’est pas embarrassé de la forme interrogative – le parent est invité à cocher « oui » ou « non » : « Mon enfant est fatigué le jeudi et le vendredi avec la semaine de 4,5 jours » (question 15) ; « Si mon enfant n’avait plus école le mercredi matin, il pourrait rester à la maison le mercredi et se reposer » (16) ; « Il pourrait pratiquer davantage d’activités extrascolaires » (17) ; « Ça lui ferait, dans la semaine, une journée de respiration qui pourrait être dédiée au périscolaire » (18) ; « Cela permettrait à son enseignant d’avoir une coupure dans la semaine » (19).

« Débat verrouillé »

Un questionnaire de ce type peut-il seulement permettre de rendre compte de l’impact de la « réforme Peillon » sur les apprentissages, sur les repères des enfants et sur cette « fatigue » dont les enseignants se font si souvent l’écho ? Est-ce, méthodologiquement, de cette façon que l’impact du changement de tempo sur les inégalités sociales, présenté comme positif par Anne Hidalgo (une « mesure de justice sociale »), peut être mesuré ? Delphine Bürkli dément toute « volonté polémique ».

En vingt-quatre heures, sur 200 réponses obtenues, seules deux ont mis en cause le questionnaire, inspiré, assure l’édile, des documents qui ont pu circuler dans d’autres villes (Lyon ou Asnières, cite-t-elle). « Je ne fais pas campagne pour les quatre jours, mais l’envie de s’exprimer de la communauté éducative est manifeste, peut-être peut-on simplement l’écouter et aller vers plus de souplesse... »

« On peut discuter des voies d’amélioration, pas d’un retour en arrière », réagit Patrick Bloche, adjoint éducation à la mairie de Paris, qui, au-delà du contenu, met en avant le « message trompeur » que le questionnaire véhicule. « On laisse entendre qu’un arrondissement aurait l’autonomie pour définir son propre rythme, pointe-t-il, or il n’en est rien. »

L’initiative est pour l’heure isolée même si, confie-t-on dans l’entourage de Mme Bürkli, « deux autres arrondissements pourraient suivre ». Côté enseignants, on y croit peu : si quelque 120 motions ont été votées en conseil d’école pour réclamer l’ouverture d’une consultation à l’échelle de la capitale, estime Jérôme Lambert, porte-parole local du syndicat SNUIpp-FSU, « Paris semble être la seule commune, sur 36 000, où le débat est verrouillé ».

La capitale s’est positionnée comme la chef de file de quelques grandes villes (avec Nantes, Rennes, Dijon, Metz, etc.) où les discussions sur un possible changement de rythme ne sont pas d’actualité. Un positionnement en décalage avec le mouvement de « rétropédalage » qui semble se dessiner : si l’on en croit l’enquête de l’Association des maires de France rendue publique en novembre, la semaine de quatre jours, d’ores et déjà rétablie dans 43 % des collectivités depuis septembre, devrait être majoritaire à la rentrée 2018.