Tim Cook, le 3 décembre, à Wuzhen, lors de la Conférence mondiale de l’Internet. / ALY SONG / REUTERS

Une Conférence mondiale de l’Internet… organisée en Chine. Rien qu’à l’énoncé de cette phrase, toute personne qui possède la moindre connaissance des pratiques de censure imposées par Pékin froncerait les sourcils. D’autant que l’organisateur de l’événement n’est autre que l’Administration du cyberespace chinoise, sorte de super-ministère de l’Internet.

Et pourtant, pour la 4e édition, qui s’est tenue, dimanche 3 décembre, dans la petite ville de Wuzhen, dans l’Est du pays, près de 1 500 personnalités du monde politique et économique, issues de 80 pays, sont venues assister à la Conférence. Et pas des moindres. Pour la première fois, Tim Cook et Sundar Pichai, les patrons d’Apple et de Google, ont pris part à l’événement. Et ce, au risque de paraître s’accommoder avec les réglementations liberticides dictées par Pékin.

En guise d’introduction, l’auditoire a pu entendre un message rédigé par Xi Jinping, dans lequel le président chinois mettait en garde contre « les défis posés par le développement de l’Internet en matière de souveraineté et de sécurité ». M. Xi avait missionné sur place l’un de ses proches, Wang Huning, qui a plaidé pour la mise en œuvre d’un « nouvel ordre » pour régir l’Internet et répondre à la progression « de la cybercriminalité et du cyberterrorisme ». Reste à savoir ce que l’on met derrière ces mots, dans un pays où la surveillance des internautes est la règle, et où de nombreux médias étrangers et réseaux sociaux, tels que Facebook ou Twitter, sont bloqués.

Accusé de complaisance

A la tribune, Tim Cook s’est bien gardé de contester la politique chinoise. Tout juste a-t-il estimé que « la technologie du futur devrait être ouverte, créative et sécurisée pour protéger les utilisateurs tout en assurant la confidentialité ». Il a surtout mis en avant les 5 millions d’emplois que sa société a contribué à créer en Chine.

Pour la firme de Cupertino, le marché chinois est trop crucial pour qu’il puisse se permettre de se mettre à dos les autorités chinoises. A plusieurs reprises, déjà, Apple a pu être accusé de complaisance par rapport aux autorités chinoises, comme cet été, quand il a retiré de l’App Store chinois plusieurs centaines de VPN, ces logiciels qui permettent de contourner le contrôle d’Internet par les autorités de Pékin. Face à ces reproches, Apple se défend, en assurant qu’il se met seulement en conformité avec les législations locales.

Pour le site spécialisé Quartz, la participation de MM. Cook et Pichai a de quoi « faire frémir les partisans d’un Internet libre » : « Qu’ils montent sur scène avec les responsables de la censure en Chine, après une année où les entraves à la liberté n’ont jamais été aussi nombreuses, ne peut que légitimer la politique chinoise de contrôle toujours plus poussé de l’Internet. » Mais, souligne le site américain, cette réunion offre aussi, pour qui veut investir en Chine, une rare occasion de rencontrer ceux qui détiennent le pouvoir sur l’Internet chinois.