Un Antonov 124 à l’aéroport de Kaboul, en 2012. / ALEXANDER KLEIN / AFP

Le 30 novembre, les services des armées ont annoncé à la société française International Chartering Systems (ICS) que le marché qui la liait à l’état-major n’était pas reconduit pour les vols de fret et de personnels entre la France et ses théâtres d’opérations extérieures. Le contrat, attribué en 2015 pour quatre ans, s’achèvera le 31 décembre. En pleine affaire judiciaire : la Cour des comptes a dénoncé, en 2016, des anomalies dans l’exécution de ce marché public, avant de saisir le Parquet national financier à l’été 2017.

ICS affrète notamment des gros-porteurs Antonov 124 ukrainiens, avions que la France est contrainte de louer, car elle n’en possède pas. L’entreprise utilisait aussi, lors de l’attribution du marché, des appareils russes de la compagnie publique 224FU, dépendante de l’armée russe, mais celle-ci les a retirés de la location en 2015.

Les avions gros porteurs étant en nombre très réduit sur le marché mondial, l’état-major a, jusqu’à présent, fait appel à un deuxième contrat, dit « Salis », par le biais d’une agence de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui travaille avec deux compagnies privées, une russe (Volga-Dnepr, en délicatesse avec l’Organisation des Nations unies et le Pentagone) et une ukrainienne (Antonov Airlines). Ces compagnies se livrent à une concurrence acharnée, à laquelle s’ajoutent, depuis l’annexion de la Crimée en 2014 par Moscou, de vives tensions politiques.

Ces deux marchés de l’armée française ont totalisé entre 50 millions et 60 millions d’euros par an ces dernières années.

« Abandon de souveraineté »

Dans un rapport publié en mars, le député LR François Cornut-Gentille a dénoncé « l’abandon de souveraineté » résultant de la dépendance aux moyens russes, et les « fragilités juridiques et financières » des contrats. Le député reproche à l’état-major d’avoir longtemps favorisé ICS dans des conditions douteuses.

Dans le cadre de l’enquête en cours, les gendarmes de la section de recherche financière ont mené une première série de perquisitions, mardi 10 octobre, dans les armées et auprès de l’affréteur ICS. Des saisies ont été effectuées sur des serveurs et des ordinateurs du Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), le centre spécialisé de l’état-major, situé à Villacoublay, dans les Yvelines. La ministre des armées, Florence Parly, avait également saisi le procureur.

Dans le courant de 2016, l’armée a progressivement davantage fait appel au contrat de l’OTAN, devenu son principal prestataire. Dans des documents qu’il a transmis au Monde, Philippe de Jonquières, président d’ICS, dénonce un « coup bas ». Il dit être victime de manœuvres concurrentielles au profit d’intérêts russes, de la part d’un de ses anciens salariés travaillant aujourd’hui auprès de la compagnie Volga-Dnepr. « Nous avons des forfaits d’assistance en Afrique et sur “Chammal” [l’opération française en Irak-Syrie] très bas impossibles à atteindre par les opérateurs Salis et nous vendons 54 500 dollars depuis quatre ans la même heure de vol », se défend-il.

Un nouvel appel d’offres devrait être lancé courant 2018 : tout l’enjeu étant pour les armées de ne pas mettre en péril la logistique des opérations extérieures.