Le président Emmanuel Macron a réaffirmé, le 28 novembre à Ouagadougou, son engagement de porter l’aide publique au développement (APD) à 0,55 % du PIB d’ici la fin du quinquennat. « C’est un engagement ferme, il est exigeant. Il supposera des efforts, nous les ferons », a-t-il promis.

Le début de son mandat a pourtant mal commencé pour placer la France sur cette trajectoire. Le budget alloué à l’APD en 2017 a été raboté de 140 millions d’euros par rapport au budget initial voté pour la dernière année du quinquennat de François Hollande. Et le projet de loi de finances 2018 n’inscrit qu’une modeste hausse de 100 millions d’euros. Ces chiffres sont bien loin des efforts qu’il faudra fournir pour atteindre l’objectif de 0,55 % du PIB en 2022. Avec une aide au développement de 9,4 milliards d’euros en 2017, soit environ 0,38 % du PIB, il faudra mobiliser 6 milliards d’euros supplémentaires au cours du quinquennat.

Les ONG sont donc très prudentes devant cette annonce. Elles rappellent aussi que la France s’est engagée depuis les années 1970 à consacrer 0,7 % de son PIB à l’APD sans y parvenir, à l’inverse notamment du Royaume-Uni ou de la Norvège.

Les filles prioritaires pour les bourses

Devant les étudiants de Ouagadougou, le chef de l’Etat a également dessiné des priorités. L’éducation sera la première d’entre elles. « Nous devons bâtir une école qui libère les esprits et non qui les enferme, c’est pourquoi l’éducation sera la priorité absolue du nouveau partenariat que je vous propose », a-t-il déclaré. L’éducation des jeunes filles sera au cœur de ce projet. « Je serai aux côtés de tous les chefs d’Etat et de gouvernement africains qui feront le choix de la scolarisation obligatoire des jeunes filles. Je défendrai leur choix et je demanderai à l’Agence française de développement de soutenir en priorité les programmes visant à la scolarisation des jeunes filles », a-t-il précisé, indiquant que les ambassades auront « l’objectif d’attribuer des bourses d’études en France en priorité à des jeunes filles ». L’Afrique est à la traîne en matière de scolarisation des filles. Selon le palmarès établi par l’ONG One, neuf des dix pays où l’accès des jeunes filles à l’école est le plus faible sont africains. Le Burkina Faso arrive en huitième position. Dans ce pays, seul 1 % des filles ont terminé leurs études secondaires, selon One.

Mais la France est aussi à la traîne. Elle figure parmi « les mauvais élèves du classement des pays donateurs avec une aide à l’éducation de base en baisse et dont les principaux pays bénéficiaires ne sont pas les pays où les besoins sont les plus urgents », selon la Coalition éducation qui regroupe 16 ONG françaises. Le nouvel Observatoire de l’aide française à l’éducation dans les pays en développement, mis en place par la Coalition montre que l’éducation de base, qui inclut l’éducation primaire et secondaire, ne représente que 2,5 % de l’aide publique française au développement. Par ailleurs, seul 18,5 % de l’aide bilatérale à l’éducation de la France en 2015 a bénéficié aux 17 pays définis comme prioritaires de l’aide française, dont 16 se situent en Afrique subsaharienne.

La France parrainera avec le Sénégal la réunion du Partenariat mondial pour l’éducation (PME) en février 2018 à Dakar. Ce sera l’occasion pour Emmanuel Macron de matérialiser financièrement cet engagement en faveur de l’éducation qui reste pour l’instant très vague. En 2016, la France n’a accordé que 8,4 millions de dollars au Partenariat mondial pour l’éducation (PME), le seul fonds multilatéral intégralement dédié à l’appui aux politiques d’éducation dans les pays en développement. La contribution de la France aux PME est donc pour l’instant bien en deçà des efforts consentis par d’autres pays, comme les 136,8 millions de dollars versés par le Royaume-Uni ou les 58,1 millions de la Norvège pour la même année.

Emmanuel Macron a par ailleurs promis aux diplômés ayant étudié en France des visas de circulation de longue durée avant de faciliter leur mobilité entre les deux continents. Il s’est engagé à accroître « les formations croisées, les doubles diplômes » et à multiplier par deux les partenariats universitaires avec l’Afrique.

La « ville durable »

La lutte contre le changement climatique a été confirmée comme l’un des autres axes prioritaires de la coopération française en Afrique. La France avait soutenu un plan pour l’Afrique lors de la conférence mondiale sur le climat en 2015 à Paris. Il s’agissait notamment d’aider le continent à se doter d’infrastructures énergétiques en développant les énergies renouvelables. A Ouagadougou, le chef de l’Etat a insisté sur l’importance de concevoir des villes durables pour maîtriser les émissions de gaz à effet de serre. « Je veux que l’Afrique soit un lieu d’innovations radicales dans la lutte contre le réchauffement climatique, a-t-il lancé. Je pense à la ville durable, 500 millions d’urbains en plus sur le continent en 2025, personne n’a jamais relevé un tel défi. Cela peut être une chance et cela peut être une catastrophe ».

La « ville durable » est un produit dont tous les ministres de la coopération se font les promoteurs depuis quelques années. Les grandes entreprises françaises du secteur de l’eau et de l’énergie ont en effet développé une offre dans ce domaine. Emmanuel Macron a annoncé que la ville durable serait le thème principal du sommet Afrique-France qui se tiendra en 2020.

Dans ce discours destiné à redessiner les contours de la coopération entre la France et le continent, il a aussi été beaucoup question du secteur privé et de l’aide aux petites entreprises. Il a promis que l’Agence française de développement et la Banque publique d’investissement engageraient plus de 1 milliard d’euros pour soutenir ces PME, sans préciser à quelle échéance. Le chef de l’Etat espère aussi que des fonds d’investissement s’impliqueront dans le financement de ces activités qui doivent fournir des emplois aux centaines de millions de jeunes qui vont rejoindre le marché du travail au cours des prochaines années.