Jupp Heynckes, le 4 décembre. / Matthias Balk / AP

Difficile de ne pas voir un choc générationnel derrière le duel que vont se livrer l’entraîneur du Bayern Munich, Jupp Heynckes, 72 ans, et son homologue du Paris-Saint-Germain, Unai Emery, 46 printemps, mardi 5 décembre, à l’Allianz Arena. Même si son CV est moins prestigieux que celui de son aîné allemand, l’Espagnol est en position de force à l’heure de défier les Bavarois lors de l’ultime match de la phase de poules de Ligue des champions. A moins d’une improbable remontada (victoire par quatre buts d’écart) du Bayern, le PSG devrait conserver la première place de sa poule avant le tirage au sort des huitièmes de finale, prévu le 11 décembre.

C’est d’ailleurs les bienfaits de la méthode Emery qui ont permis à Jupp Heynckes, vétéran des entraîneurs européens, de reprendre du service au chevet du club bavarois. Le 27 septembre, la déroute (3-0) du Bayern au Parc des Princes a conduit ses dirigeants Karl-Heinz Rummenigge et Uli Hoeness à limoger l’Italien Carlo Ancelotti, coupable notamment d’avoir laissé sur le banc des remplaçants ou en tribunes plusieurs cadres (Ribéry, Robben, Hummels, Boateng). Après le court intérim effectué par le Français Willy Sagnol, la direction munichoise se tourne, en octobre, vers le septuagénaire Heynckes, retiré des terrains depuis 2013 et profitant de sa paisible retraite du côté de Mönchengladbach.

Une légende en Bavière

A 72 ans, l’ex-attaquant de RFA est une légende en Bavière. Champion du monde aux côtés du « Kaiser » Beckenbauer en 1974 et vainqueur de l’Euro deux ans plus tôt, le technicien aux cheveux argentés a déjà signé trois passages réussis aux commandes du Bayern (de 1987 à 1991, en 2009, et entre 2011 et 2013). Meneur d’hommes hors pair, il a laissé derrière lui une myriade de trophées (huit titres, dont trois en Bundesliga allemande) et forcé l’admiration du tandem Rummenigge-Hoeness.

Le dernier fait de gloire de Jupp Heynckes est d’avoir effacé la défaite des Bavarois sur la pelouse de l’Allianz Arena, en 2012, face à Chelsea (1-1 aux tirs au but), en finale de la Ligue des champions. Un an plus tard, le technicien réalise un retentissant triplé (Bundesliga, LDC, Coupe d’Allemagne) et conduit le Bayern sur le toit de l’Europe en terrassant (2-1) le Borussia Dortmund du bouillonnant et facétieux Jürgen Klopp. Cette deuxième Ligue des champions décrochée par l’entraîneur, après celle remportée avec le Real Madrid (en 1998), s’apparente à une apothéose pour celui qui a atteint la finale de la Coupe de l’UEFA au terme de sa première saison sur un banc, en 1980, avec le Borussia Mönchengladbach. Perclus d’arthrose et vexé de voir l’Espagnol Pep Guardiola lui succéder, Heynckes avait alors voulu « partir par la grande porte ».

Quatre ans après cet exploit, le retour du septuagénaire a métamorphosé le Bayern. Son bilan plaide en sa faveur : son équipe est en tête de la Bundesliga et ne s’est inclinée qu’une seule fois depuis son arrivée. S’il n’a pas encore paraphé son contrat le liant au club jusqu’au terme de la saison, le technicien a bel et bien repris les choses en main. Il a fait revenir au bercail la « vieille garde » incarnée par le controversé médecin Wilhelm Müller-Wohlfahrt, 75 ans, « doc » personnel du sprinteur jamaïcain Usain Bolt et éternel « toubib » de la sélection allemande, limogé par Guardiola en 2015. Heynckes a par ailleurs relancé les cadres du Bayern (Ribéry, Hummels, Robben entre autres), dont il est très proche. Il a également su galvaniser ses jeunes talents, tels les internationaux français Kingsley Coman et Corentin Tolisso.

« Je ne veux plus parler du passé »

Sur la même longueur d’ondes que sa direction, « gagneur » invétéré, le septuagénaire a par ailleurs insufflé un esprit conquérant au sein de « l’institution » Bayern, privé de finale en Ligue des champions depuis son sacre de 2013. « Je ne veux plus parler du passé, ni de l’équipe dont j’ai hérité. L’important, c’est que nous avons en ce moment une atmosphère très positive, non seulement dans l’équipe mais dans tout l’encadrement, et de cela nous tirons beaucoup de force, de motivation et de plaisir au travail », a déclaré l’entraîneur à la frêle silhouette, à la veille de la réception du PSG.

Son message est clair : son arrivée sur le banc bavarois doit coïncider avec le retour en force du Bayern en Ligue des champions. « « Il s’agit avant tout de prestige, d’oublier le match aller, de montrer sur la scène européenne que nous sommes à la hauteur d’un club qui a investi 1 demi-milliard d’euros en recrutement et qui joue au plus haut niveau européen, a ajouté Heynckes tout en invitant ses supporteurs à ne pas tomber dans une douce nostalgie. Nous devons montrer que nous n’avons pas seulement une histoire glorieuse, mais qu’il faut encore nous compter parmi les grands clubs européens. »

Entre deux considérations tactiques, l’entraîneur a aussi insisté sur l’homogénéité de son équipe avant de souligner la force de frappe de son adversaire parisien. « Mais si le PSG est une très grosse équipe, cela tient aussi à l’entraîneur Unai Emery. Il est très rigoureux, il essaie avec ses joueurs de haut niveau de former une équipe de haut niveau. Paris fait partie des favoris de la Ligue des champions, c’est très clair », a-t-il assuré, matois. Si d’aventure « son » Bayern réussissait à renverser Neymar et consorts, Heynckes écrirait une nouvelle page de sa légende en Bavière.