La délégation russe lors des JO d’hiver de Sotchi en 2014. / ALBERTO PIZZOLI / AFP

Vladimir Poutine a parlé : ses athlètes sont autorisés à se rendre à Pyeongchang du 9 au 26 février 2018, défendre les couleurs des « athlètes olympiques de Russie », ce qui diffère assez peu de la dénomination attribuée aux olympiens des autres pays – ceux dont le ministère des sports et les services secrets n’ont pas truqué les derniers JO d’hiver. Reste désormais à savoir qui le Comité international olympique autorisera, parmi les aspirants russes, à disputer les prochains Jeux olympiques.

La liste devrait être longue, compte tenu du peu de restrictions posées par la décision de la commission exécutive. Interrogé par la chaîne allemande ARD, un responsable du CIO a dit, sous couvert d’anonymat, qu’il s’agirait « non pas d’une petite sélection d’athlètes russes mais d’une équipe olympique quasi totale ».

Des critères moins drastiques qu’en athlétisme

En 2014 à Sotchi, 232 Russes avaient défilé en premier dans le stade olympique, mais ils étaient qualifiés automatiquement dans les sports collectifs. Le point de référence se situe plutôt à Vancouver, où 177 sportifs composaient la délégation russe. Depuis quatre ans, les Russes ont toutefois étrangement régressé dans plusieurs disciplines.

Selon la consigne du CIO, tous les Russes qualifiés via les critères sportifs habituels pourront se rendre à Pyeongchang s’ils n’ont jamais été suspendus pour dopage et s’ils ont été correctement suivis par l’intermédiaire du système de contrôles pré-olympiques.

En comparaison, les critères édictés en janvier par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) pour l’inscription d’athlètes russes aux championnats du monde étaient bien plus drastiques. Parmi les critères figuraient l’absence d’implication dans une affaire de dopage des membres de l’entourage, la régularité des contrôles subis par les athlètes et le nombre d’échantillons prélevés, ainsi que l’absence de résultats douteux dans le passeport biologique. Seulement 19 Russes avaient obtenu de se présenter aux championnats du monde. Plusieurs athlètes, certains au palmarès bien garni, s’étaient vu refuser l’entrée par l’IAAF.

« Le CIO exerce son droit de regard sur les accréditations »

La nouvelle directrice de l’Autorité de contrôle indépendante (ACI), l’ancienne ministre française des sports Valérie Fourneyron, tiendra un rôle majeur dans les deux mois précédant les Jeux puisqu’elle dirigera le panel composé de trois autres experts en charge de l’accréditation des Russes. Le CIO aura un droit de regard final sur la participation des Russes.

Interrogé sur l’hypothèse d’un appel devant le TAS des athlètes qui ne seraient pas conviés à Pyeongchang, son président Thomas Bach a répondu mardi : « Ici, nous décidons qui nous voulons inviter. Ce n’est pas une exclusion ou une sanction, le CIO exerce son droit de regard sur les accréditations des athlètes propres. »

« La décision protège à la fois les athlètes propres des autres pays et les athlètes propres russes pour qu’ils puissent concourir », estime Valérie Fourneyron, jointe mercredi par Le Monde. Investie dans la lutte antidopage depuis son entrée à l’Agence mondiale en 2014, en tant que présidente du comité médical, l’ancienne députée-maire de Rouen a été nommée en novembre à la tête de l’ACI, qui est amenée à assister les fédérations sur leur politique de contrôle.

Elle insiste sur la « totale indépendance » de ses futures décisions et précise : « Le respect des contrôles préolympiques par les Russes est un critère indispensable. Mais on a la capacité d’aller plus loin si on le souhaite. »

Contrôles préolympiques

Les contrôles préolympiques ont commencé en avril. A la mi-novembre, a annoncé mardi le CIO, quelque 7 000 contrôles avaient été menés dans ce cadre. Le chiffre devrait atteindre 20 000 au début des Jeux, soit un nombre sensiblement supérieur à ce qui avait été réalisé avant les Jeux olympiques de Rio. La part des Russes dans ces totaux n’est pas précisée par le CIO, mais elle est substantielle. Selon l’AMA, les tests ont pu être pratiqués de manière réellement inopinée.

La mauvaise surprise, pour le sport russe, pourrait venir de l’analyse du « LIMS » du laboratoire de Moscou : les enquêteurs de l’AMA sont actuellement à Montréal en train d’étudier cette base de données, obtenue d’un lanceur d’alerte anonyme, qui a enregistré tous les contrôles pratiqués dans le laboratoire russe entre janvier 2012 et août 2015.

Elle fait apparaître des contrôles positifs déclarés négatifs par les autorités russes, concernant des athlètes dont certains n’ont pas été suspendus à la suite du rapport McLaren. Leurs noms seront transmis aux fédérations internationales et au CIO. Charge reviendra aux fédérations de contrôler de nouveau les échantillons, dans le cas où ils ont été conservés par les fédérations ou saisis par l’AMA, lors de sa perquisition au laboratoire de Moscou en 2014.

« Une farce, et le CIO le sait »

La procédure est probablement trop longue pour suspendre des athlètes avant les JO d’hiver, mais ces informations pourraient conduire le panel du CIO à refuser d’accréditer certains athlètes. Interrogée sur ce cas précis, Valérie Fourneyron répond : « On prendra tous les éléments en notre possession et on les traitera. Je ne m’interdis aucun élément d’information. »

Ancien enquêteur en chef de l’AMA, démis de ses fonctions en janvier 2016, l’Américain Jack Robertson estime que les affirmations du CIO selon lesquelles seuls des athlètes russes « propres » seront à Pyeongchang « sont une farce, et le CIO le sait ». « Il n’y a absolument aucun moyen de faire à 100 % la différence entre des athlètes propres et dopés. (…) Un historique de contrôles négatifs n’est, en aucun cas, un moyen de mesurer la propreté d’un athlète. »

Un constat qui vaut autant pour les Russes que pour leurs futurs adversaires aux JO de Pyeongchang.