Ce serait un scoop, la preuve de la vénalité de la femme de l’ancien président du Zimbabwe, Robert Mugabe, et le miroir de la crise politique traversée par le pays. Tout cela condensé en un titre : « Grace Mugabe demande le divorce. »

APR News, un site qui se présente comme une agence de presse et dont la page Facebook est suivie par 360 000 personnes, affirme, le 3 décembre, que « les effets de la perte du pouvoir de Robert Mugabe ont atteint son lien matrimonial scellé depuis vingt et un ans ». Et détaille. « Cette information qui circulait sous le manteau a été confirmée par des sources proches de la famille et par le correspondant d’APR News au Zimbabwe », lit-on – quelque part entre « Grace Mugabe est présentée comme celle qui coula son époux » et « Gucci Grace ou encore “la reine du shopping” n’entend pas subir d’avantage l’humiliation de la perte du pouvoir ». L’article mentionne également un certain Lawrence Brown, « porte-parole de la magistrature », qui aurait confirmé que « les procédures de divorce étaient en cours ».

« C’est un canular, ou une fake news »

Le porte-parole de Robert Mugabe, George Charamba, a démenti l’information dans Jeune Afrique. « Nous ignorons d’où cette information est partie. (…) C’est un canular, ou une “fake news” – appelez cela comme vous voulez –, mais Grace Mugabe n’a pas demandé le divorce », a-t-il affirmé.

Laurence Brown, la seule source nommément citée par APR News, semble quant à elle ne pas exister. « Je n’ai même pas connaissance qu’un Lawrence Brown soit porte-parole de la magistrature », affirme George Charamba à Jeune Afrique, à qui une source officielle au ministère de la justice zimbabwéen a assuré « ignorer l’existence d’une personne nommée Laurence Brown » au poste indiqué par « l’agence de presse ».

APR News a supprimé son article dans les heures qui ont suivi la parution du démenti de Jeune Afrique. Mais la rumeur continue son voyage. Au Maroc, Le360, qui se présente comme un média généraliste, affirme que Grace Mugabe, en sus du divorce, aurait demandé « le milliard de dollars ». Des dizaines de médias africains se font écho de la fausse information – charriant leur lot de commentaires sexistes sur Grace Mugabe, et sur les femmes en général, dont beaucoup mettent en avant la supposée versatilité.

Certains médias français se sont fait le relais de cette intox. Le site de partage de contenu « L’Important » a ouvert le bal, suivi de près par Cnews, l’édition belge de Paris Match puis par L’Obs. A l’heure de l’écriture de ces lignes, ces trois articles sont toujours en ligne.

Derrière l’intox, une fausse agence de presse

Le site APR News se présente comme une agence de presse – sans jamais donner d’informations sur ses contributeurs, son mode de financement ou ses statuts légaux. Cette « agence » est une filiale du groupe Central Trade Groupe LDA. De ce dernier, on ne sait que peu de chose – sinon que cette société a été créée à Abidjan. Sur son profil Viadeo, François Dominique Delafosse, « fondateur-directeur général-administrateur » d’APR News, explique que ce dernier est « le partenaire média Afrique de l’US Chamber of Commerce – et une entreprise immatriculée fiscalement au Cap-Vert ». Or on ne retrouve aucune trace de ce partenariat sur le site de la Chambre de commerce des Etats-Unis – ni ailleurs. Contactés à de nombreuses reprises, le site APR news et son « fondateur-directeur général-administrateur » n’ont pas souhaité nous répondre.

Ces derniers mois, le site APR News a relayé un nombre impressionnant de fausses informations. On lui doit la rumeur selon laquelle « des scientifiques établissent que les femmes ne sont que des mammifères », la fausse étude selon laquelle « l’Algérie est le pays le plus raciste du monde », ou, plus récemment, l’intox sur la mort de Bob Marley, prétendument tué par la CIA.