Emmanuel Macron a effectué du 27 au 30 novembre sa première tournée en Afrique. Le rejet épidermique de sa présence ou la béatitude devant le personnage sont pour moi des excès.

La France est un partenaire de nos pays. Outre des enjeux géostratégiques liés notamment à la lutte contre le terrorisme, nous avons en partage une coopération économique – certes très asymétrique –, la Francophonie et une histoire commune. Nous pouvons partir de nos rapports viciés, forgés par la colonisation pour imaginer puis tracer un destin commun en tant que nations souveraines partenaires.

Puisqu’il faut désormais considérer cela comme une tradition non écrite pour les présidents français, Emmanuel Macron n’a pas dérogé à la règle en tenant à Ouagadougou à « s’adresser à la jeunesse africaine ». En 2007, Nicolas Sarkozy s’y était essayé. Tout le monde connaît la suite de ce qui restera comme « le discours de Dakar » avec sa formule malheureuse sur « l’homme africain pas assez entré dans l’Histoire ».

Le principe d’un discours à la jeunesse d’Afrique est une incongruité avec laquelle il faut en finir. Mais il faut reconnaître que la rupture avec cette pratique est d’abord du ressort des pays hôtes qui ont la coresponsabilité du contenu et de l’agenda d’un président en visite chez eux.

Les jeunes Burkinabés, Ivoiriens, Ghanéens n’ont pas élu Emmanuel Macron, ils ont confié leur pays à des gens censés répondre à leurs problèmes quotidiens. Si un discours était légitime à l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, ce serait celui de Roch Marc Christian Kaboré partageant les lignes de « l’avenir qu’il faut oser inventer » avec ses jeunes concitoyens. La place du président du Burkina Faso n’était pas celle d’un homme seul, silencieux, assis en retrait, écoutant un président français pendant plus de deux heures s’adresser aux étudiants. D’ailleurs les questions posées à Emmanuel Macron, pour la plupart liées à la politique intérieure du pays, étaient indirectement adressées à M. Kaboré.

Repenser le rapport entre l’Afrique et la France

Nous n’attendons pas de nos dirigeants qu’ils sous-traitent la question de la jeunesse à la France comme ils sous-traitent le drame des migrations irrégulières à l’Union européenne. Qu’ils s’adressent eux-mêmes à leurs jeunes et leur disent dans la sincérité du regard l’état de leur pays et comment ils veulent essayer de répondre à leurs problèmes.

Les réactions et commentaires sur la tournée d’Emmanuel Macron et son grand discours à Ouagadougou sont symptomatiques d’un rapport entre la France et le continent qui mérite d’être interrogé. La passion avec laquelle l’ont reçu admirateurs et contempteurs témoigne d’une relation spéciale.

Que la France défende ses intérêts en Afrique comme elle les défend ailleurs est d’une logique imparable. Il revient à nos pays, à travers ceux qui les gouvernent, de mieux défendre les nôtres. Mais l’attitude du président Kaboré, comme de tous les présidents qui font le pied de grue pour être reçus à l’Elysée, ou encore des opposants qui vont dénoncer les pouvoirs en place auprès des ambassadeurs français et espèrent tant obtenir un rendez-vous avec les décideurs hexagonaux lors de leurs séjours à Paris sont le signe d’une servitude que nous cultivons vis-à-vis de la France. Tout ceci participe à irriguer ce paternalisme français que nous nous empressons de dénoncer et dont Emmanuel Macron, aussi jeune soit-il, ne s’est pas encore débarrassé.

Felwine Sarr et Achille Mbembé, dans une tribune commune, ont clamé à juste titre que « l’Afrique n’a rien à attendre de la France ». Il faudrait peut-être répéter cette phrase à ceux qui nous gouvernent : les solutions seront endogènes et ne viendront pas d’un président étranger.

Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des idées.