Carles Puigdemont et des maires catalans – avec le bâton symbole de leur mandat –, à Bruxelles, le 7 novembre 2017. / PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS

L’indépendance, la république, la sécession, ils y croient toujours dur comme fer. Depuis la mise sous tutelle de la Catalogne par le gouvernement de Madrid, des centaines de maires indépendantistes catalans, plus mobilisés que jamais, sont devenus les principaux supporteurs du président déchu, Carles Puigdemont. Jeudi 7 décembre ils se déplacent à Bruxelles pour le soutenir dans son « exil » et réclamer, une fois de plus, l’intervention de l’Union européenne.

Cela fait des semaines qu’ils préparent leur voyage. L’opération « Omplin Brusel-les » (« Remplissons Bruxelles ») espère réunir 20 000 personnes dans le parc du Cinquantenaire. L’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural, les deux grandes organisations séparatistes, ont affrété plusieurs charters et plus d’une centaine de bus. Les pancartes sont prêtes, le slogan est simple : « Europe wake up ! » (« Europe réveille-toi ! »).

« Lorsqu’on est allé si loin, il est difficile de faire marche arrière », assure Neus Lloveras, présidente de l’Association des municipalités en faveur de l’indépendance (AMI), en parlant du référendum d’autodétermination organisé par le gouvernement catalan le 1er octobre. Elle reconnaît que tout « est allé très vite » et qu’il faudrait peut-être « laisser mûrir les choses » mais sans renoncer à l’objectif ultime : se séparer de l’Espagne.

« Personne n’est venu de Madrid nous expliquer les avantages de rester en Espagne », affirme Joan Rabasseda, le maire d’Arenys de Munt

L’AMI regroupe 787 des 947 municipalités catalanes. Ce sont en grande majorité des villages de l’intérieur de la province. Elle a été créée fin 2011, alors que le mouvement indépendantiste commence à peaufiner son organisation et à tester sa capacité de mobilisation. Elle en est l’un des principaux relais.

« La république est entrée dans l’imaginaire collectif » de la Catalogne, affirme Joan Rabasseda, maire du village d’Arenys de Munt. Si les partis sécessionnistes remportent les élections régionales du 21 décembre, « ils devront reprendre la feuille de route » votée par le parlement régional. « Personne n’est venu de Madrid nous expliquer les avantages de rester en Espagne », renchérit-il. L’édile a particulièrement confiance en Carles Puigdemont « car il a lui aussi été maire » de Gérone (de 2011 à 2016), un bastion de l’indépendantisme.

Arenys de Munt, 8 700 habitants, est à seulement à 45 kilomètres de Barcelone mais on se croirait beaucoup plus loin. Sur l’avenue principale bordée de vieux platanes, une énorme banderole encourage ses habitants à « voter pour être libres ». Des pancartes saluent l’arrivée de la république « Hola Republica » ou exigent la liberté des « prisonniers politiques ».

C’est un peu là que tout a commencé. En septembre 2009, le village organise une « consultation » sur la sécession. Le « oui » l’emporte avec plus de 90 % des voix, pour une participation de 40 %. Un vote sans valeur juridique mais dont l’initiative sera reprise par plus de 550 municipalités dans les années suivantes.

« Positions de plus en plus radicales »

Ce jour-là, plusieurs responsables indépendantistes, dont Oriol Junqueras, le vice-président déchu de la région et tête de liste de la Gauche républicaine (ERC), actuellement en prison préventive, viennent voir ce qui se passe. « C’est ici qu’ils ont appris que l’on pouvait gagner par les urnes », raconte M. Rabasseda. Il en garde une belle photo dans son livre d’honneur, dédicacée par M. Junqueras quelques années plus tard : il s’y engage à « défendre le droit de vote ». Il y en a une autre de Carles Puigdemont.

« Les maires indépendantistes ne représentent en fait que 25 % des Catalans mais ils se sont beaucoup mobilisés et ont réussi à s’ériger en représentants d’une” vraie” Catalogne fictive alors que la région est beaucoup plus diverse », explique Felipe Moreno, chercheur de l’Observatoire électoral de la Catalogne, un centre d’analyse proche de l’organisation anti-sécessionniste Société civile catalane (SCC). « La Catalogne rurale a toujours été beaucoup plus nationaliste que celle des grandes villes. Elle a tout naturellement suivi la dérive du mouvement vers des positions de plus en plus radicales », ajoute M. Moreno.

Mme Lloveras n’a aucun doute : la Catalogne va continuer à lutter pour son indépendance « jusqu’à ce que quelqu’un cède ». Quant à Carles Puigdemont, il doit persévérer dans ses efforts car, souligne-t-elle, « les grands changements de l’histoire ont été menés par des hommes armés de patience, regardez Gandhi ».