Le haut de l’œuvre de Sylvie Blocher le 7 décembre 2017 à Douala. / DR

Une « œuvre éphémère » érigée à Douala, au sud du Cameroun, par une artiste française demandant pardon au peuple camerounais pour les méfaits de la colonisation française a été détruite, jeudi 7 décembre, par des militants, moins de vingt-quatre heures après sa mise en place, a appris l’AFP de sources concordantes.

Trois militants, dont André Blaise Essama, connu localement pour ses actions contre les monuments montrant des personnalités françaises au Cameroun, ont fait tomber l’installation conçue par la Française Sylvie Blocher. Sur une vidéo postée sur Facebook par la chaîne de télévision Equinoxe TV, émettant de Douala, on voit les trois hommes mettre à terre l’œuvre en question, sous les applaudissements des badauds et curieux.

Installation « éphémère »

Il s’agissait en fait d’une photo de près de trois mètres de haut de l’artiste, une femme blanche sexagénaire portant à bout de bras au-dessus de sa tête une pancarte de carton sur laquelle on peut lire en lettres majuscules et manuscrites : « Bien que je n’en aie pas le droit, je vous présente mes excuses. »

Un policier, présent sur les lieux, n’a pas réagi. Les militants à l’origine de cette action, M. Essama en tête – connu pour ses actions « nationalistes » et pour sa volonté de réhabiliter la mémoire des « héros » camerounais – ont pu quitter les lieux sans encombre.

Cette installation « éphémère » avait été organisée dans le cadre du Salon urbain de Douala, un festival d’art contemporain qui se tient en ce moment dans la capitale économique camerounaise. Elle a été mise en place et inaugurée mercredi avec l’accord des autorités locales, au carrefour Mobil Bonakouamouang, un rond-point très animé de Douala.
« J’ai réalisé cette sculpture pour m’adresser directement à vous, et plus généralement à l’histoire passée et présente du Cameroun », a expliqué Sylvie Blocher sur une affiche justifiant son « happening » par l’absence de repentir de la France.

Passants sceptiques

L’initiative a suscité d’immédiates réactions sur les réseaux sociaux, le plus souvent d’hostilité. « L’érection de la statue d’une artiste française à Douala fâche », titrait ainsi jeudi matin le site d’information en ligne Cameroon-info.net. Sur les lieux, « l’œuvre » de Mme Blocher a laissé plutôt sceptiques les passants, qui ont tous salué sa mise à bas, a constaté jeudi matin un vidéaste de l’AFP.

Dans la foule, les spectateurs déploraient qu’on érige œuvres et monuments d’artistes occidentaux, alors que les « vrais héros » historiques camerounais restent dans l’oubli ou peu célébrés, selon leurs commentaires.

Sur ce même carrefour, il y a un an, le militant Essama avait tenté en vain d’ériger une statue de John Ngu Foncha (ancien vice-président du Cameroun fédéral). M. Essama est connu au Cameroun pour avoir notamment décapité à plusieurs reprises le monument du général Leclerc, installée dans le quartier administratif de Douala. Mercredi, ce même militant a tenté de s’opposer à l’inauguration de la photo de Mme Blocher, et a été brièvement interpellé par la police, pour revenir finalement jeudi matin mettre à bas l’installation polémique.