L’ambassadeur de France au Qatar, Eric Chevallier et Sheikha Hind bint Hamad al-Thani, la présidente de la Qatar Foundation s’échangent les textes des accords billatéraux durant la visite d’Emmanuel Macron à Doha le 7 décembre. / KARIM JAAFAR / AFP

Lors de son déplacement au Qatar, jeudi 7 décembre, le président français a signé pour plus de 11 milliards d’euros de contrats, qui reviendront à l’industrie française. Des contrats d’armement, comme la vente d’au moins douze avions de combat Rafale et de plusieurs centaines de blindés, mais aussi des accords concernant la concession du métro de Doha, la capitale du Qatar, confiée au consortium SNCF/RATP.

Cette visite, qui est à la fois hautement politique et économique, a lieu alors que le Qatar est la cible d’un blocus diplomatique et économique de la part de l’Arabie saoudite et de ses alliés sunnites (Emirats arabes unis, mais aussi Bahreïn, Egypte et Yémen).

  • Quels sont les liens économiques entre la France et le Qatar ?

La France n’en n’est pas à son premier gros contrat avec ce petit Etat pétrolier – sur le site du ministère des affaires étrangères français, on peut notamment lire que les « liens économiques avec le Qatar sont solides ». « Sur les neuf premiers mois de l’année 2017, nous avons importé 432 millions d’euros et exporté vers le Qatar un milliard d’euros », fait savoir le site du ministère.

Ainsi selon un rapport établi en février 2017 par l’ambassade de France au Qatar, l’émirat représente « le deuxième client [de la France] à l’échelle de la région des pays du Golfe », derrière les Emirats arabes unis.

Dans l’économie française, les investissements du Qatar sont assez diversifiés, dans le sport, l’immobilier ou encore l’industrie, l’émirat a investi un peu partout grâce à un fond souverain, la Qatar Investment Authority (QIA).

Le Qatar est par exemple propriétaire du club de football du Paris-Saint-Germain, et investit régulièrement des sommes importantes pour acquérir des joueurs ; par ailleurs, le Qatar est actionnaire du groupe média Lagardère (notamment Europe 1, RFM, Le Journal du dimanche, Paris Match, Elle) à plus de 13 %, ce qui en fait le premier actionnaire du groupe. A travers la QIA, le pays est présent au capital de groupes comme Vinci, Total, mais aussi dans le luxe, chez LVMH et l’hôtelier Accor.

Les investissements du Qatar en France

Le Qatar a de multiples investissement en France, et dans de multiples dommaines :

  • Finance

Fonds d’investissement franco-qatari : Doté de 300 millions d’euros au départ, ce fonds dénommé Future French Champions a pour vocation d’investir dans des PME françaises

  • Immobilier, hôtellerie

La Fermière de Cannes : Deux casinos et deux hôtels (Majestic et Gray d’Albion)

35 000 m2sur les Champs-Elysées : Ancien siège de la banque HSBC, 400 millions d’euros en 2009

The Peninsula : Partenariat avec The Hong Kong and Shanghai Hotels, hôtels de luxe.

Le Printemps : Grands magasins. Racheté en 2013 par des investisseurs qataris (non dévoilés), via Disa, une société luxembourgeoise

  • Industrie, énergie

Usine Altis : Fabriquant de semi-conducteurs

Veolia Environnement : 5 % du capital en 2010

Suez environnement : 4,5 % du capital

Vinci : BTP. Echange en 2009 du groupe Cegelec contre 6 % d’actions de BTP Vinci. Participation actuelle de 7 %

Total : Géant pétrolier. Participation de 4,8 %

Vivendi : Multinationale de communication et de divertissement. Participation de 2 % depuis 2012

LVMH : Groupe de luxe. Participation de 1 % depuis 2011

Le Tanneur : Maroquinerie et cuir. Participation de 85 % depuis 2011

Vente-privée.com : Destockage en ligne. Entre au capital en 2014

  • Sport

Lagardère Group : Numéro trois mondial des droits sportifs avec Lagardère Unlimited. 10,7 % du capital

Qatar Prix Arc de triomphe : Sponsoring

Club Paris-Saint-Germain : Club de football. Rachat en 2011

Championnat de France de football : Al-Jazira détient en partie les droits télé

Mais la France n’est pas le seul pays dans lequel les investissements qataris se font, le pays est également présent économiquement dans des groupes industriels et bancaires en Allemagne et au Royaume-Uni.

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  • Quel est l’état des relations diplomatiques avec le Qatar ?

La visite d’Emmanuel Macron était l’occasion pour le chef de l’Etat de présider avec son homologue, le cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, une « réunion pour la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme, le financement du terrorisme et la radicalisation ».

Une réunion durant laquelle le président français n’a pas manqué de rappeler que « la lutte contre le financement du terrorisme doit être la priorité » alors que l’émirat est régulièrement accusé de soutenir des groupes islamistes radicaux, et par Emmanuel Macron même. Ainsi, cette coopération entre les deux pays doit à terme permettre d’établir « pays par pays des listes de structures que nous pensons liées au terrorisme », a déclaré le chef de l’Etat jeudi, tout en ajoutant : « Et je le fais aussi pour toutes les structures en France dont j’ai la connaissance et qui pourraient être liées à ces activités. »

La relation entre la France et le Qatar repose notamment sur un accord de défense passé en 1994, qui prévoit une assistance mutuelle en cas d’agression. Cette relation avait pris un tournant nouveau sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012). Le positionnement pro qatari de ce dernier avait notamment ouvert à la France des commandes industrielles, ainsi en mai 2007 quatre-vingts A350, un avion long courrier d’Airbus, avaient été achetés par le Qatar. Ces relations sont un peu retombées sous la présidence de François Hollande. L’ancien président socialiste ayant préféré se rapprocher de l’Arabie saoudite.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron joue donc un rôle de médiation dans le conflit qui oppose l’Arabie saoudite au Qatar, et souhaite « montrer que la France ne choisit pas un camp contre un autre ». A travers cette phrase, M. Macron tente également d’apaiser les réactions qui ont surgi en Iran (qui soutient le Qatar) après sa visite en Arabie saoudite.

  • Quels types d’armements la France fournit-elle au Qatar ?

En 2015, alors que François Hollande était président de la République, le Qatar avait acheté à la France vingt-quatre Rafale du marchand d’armes Dassault, et avait prévu une option de douze avions de combat similaires en plus. La vente de ces vingt-quatre Rafale avait été conclue en 2015 pour un montant de 6,3 milliards d’euros, et s’accompagnait de la formation en France de pilotes et mécaniciens qataris.

Le contrat signé jeudi 7 décembre porte donc à trente-six le nombre d’avions de combat Rafale achetés par le Qatar à la France. Par ailleurs, l’émirat dispose également de Mirage 2000, des avions de combat produits par Dassault.

Les contrats signés jeudi comprennent également une lettre d’intention pour l’achat par le Qatar de 490 véhicules blindés de combat d’infanterie, du fabricant Nexter. Le contrat pourrait être signé en 2018. Ce serait alors la première fois que la France exporterait ce type de véhicules.