Le président américain, Donald Trump, avec le vice-président, Mike Pence, à la Maison Blanche, mercredi 6 décembre. / EVAN VUCCI/ AP

Dans une rupture spectaculaire avec ses prédécesseurs, Donald Trump a reconnu mercredi 6 décembre Jérusalem comme capitale d’Israël, suscitant la colère de la communauté internationale.

Daniel Shapiro fut l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël de 2011 à l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, en janvier 2017. Il fut alors remplacé par David Friedman, dont les sympathies en faveur des colons israéliens sont connues de longue date. Aujourd’hui analyste à l’Institut pour les études nationales de sécurité (INSS), il livre au Monde ses réactions après la décision du président américain.

Quelles conclusions tirez-vous du discours de Donald Trump ?

Daniel Shapiro : Il était plutôt inconséquent. Il représente un changement rhétorique, avec la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. C’est important. Mais j’aurais souhaité que le président s’engage dans le transfert immédiat de l’ambassade américaine. Par-dessus tout, il a manqué une occasion de placer sa décision en perspective, de la situer dans le cadre de la solution à deux Etats. Il n’y a pas d’autre option possible. Pour cela, il aurait fallu mener des consultations avec les pays arabes, ce qui n’a pas été le cas. Le président Trump aurait dû mentionner les aspirations palestiniennes et le statut de Jérusaem-Est dans un règlement politique futur.

J’espère que Jared Kushner et Jason Greenblatt [ses deux envoyés spéciaux principaux pour œuvrer à une relance du processus de paix] seront plus précis lorsqu’ils présenteront leur plan dans quelques mois. Etre vague ne fait que contribuer à s’éloigner de la solution à deux Etats, en direction d’un Etat binational.

Y a-t-il quelque chose dans son discours qui pourrait inquiéter Benyamin Nétanyahou ?

Cela dépend de l’approche choisie par le président pour les négociations. Il a dit que les limites de la souveraineté israélienne à Jérusalem seraient déterminées au cours de cette phase. A un moment, si la solution à deux Etats doit émerger, les Etats-Unis devront soutenir l’émergence d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.

Quelles pourraient être les conséquences diplomatiques de cette reconnaissance unilatérale dans les relations entre les Etats-Unis et ses alliés arabes, à commencer par la Jordanie et l’Arabie saoudite ?

Cela place ces alliés dans une position gênante, qui a été aggravée par l’absence de consultations avec eux. Leur priorité n’est peut-être pas le problème palestinien – l’Iran l’est beaucoup plus – mais ils ne peuvent se permettre de l’abandonner. Je m’attends donc à ce qu’ils exercent une forme de pression sur Trump pour qu’il promeuve un plan en vue de la solution à deux Etats.

Pensez-vous que la Maison Blanche a raison de parier sur une retombée rapide des émotions et des critiques, après cette reconnaissance ?

Je ne crois pas qu’il y aura des protestations prolongées, même si on ne peut l’exclure. La violence n’est jamais acceptable, évidemment. Pour ceux qui souhaitent un accord pour mettre un terme au conflit, ils n’auront d’autre choix que de travailler avec les Etats-Unis. Espérons que Trump proposera un plan sérieux en vue de la solution à deux Etats.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a affirmé mercredi soir que les Etats-Unis se retiraient, de fait, de leur position traditionnelle de médiateur dans le processus de paix. S’agit-il d’un virage stratégique palestinien ?

Il est trop tôt pour dire s’il s’agit d’une réaction émotionnelle ou d’un vrai changement de stratégie. Mais une chose est claire : il n’existe pas d’alternative aux Etats-Unis afin de faciliter les négociations de paix et de parvenir à une solution. Le temps viendra où les Palestiniens devront en prendre conscience.