Le temple Senso-ji, dans le quartier Asakusa, à Tokyo, en novembre 2016. / BEHROUZ MEHRI / AFP

L’année 2018 pourrait mal commencer pour les boutiquiers du temple Senso-ji de Tokyo. Installés dans la ruelle longue de 250 mètres conduisant au célèbre temple bouddhiste du quartier d’Asakusa, dans le nord-est de la capitale nippone, les quelque 90 commerçants pourraient devoir assumer un loyer multiplié par plus de 16. Il devrait passer, le 1er janvier, de 15 000 yens (113 euros) à 250 000 yens.

Les autorités religieuses en ont décidé ainsi, qui jugent l’augmentation nécessaire pour assurer la maintenance et la gestion d’un site parmi les plus fréquentés de la capitale. En 2016, le Senso-ji a vu passer plus de 32 millions de touristes, japonais et étrangers, venus admirer l’un des rares ensembles anciens préservés à Tokyo voire, le dernier week-end de mai, profiter du Sanja Matsuri, l’un des trois plus grands festivals de Tokyo et certainement le plus bigarré.

« Considérant l’imposition sur les actifs fixes et les coûts d’entretien de bâtiments vieillissants, il est difficile de maintenir le loyer aussi bas », a déclaré au quotidien Mainichi Shinbun un porte-parole du Senso-ji.

Décision « soudaine », augmentation « énorme »

Le temple, dont l’histoire remonterait au VIIe siècle et la découverte d’une statue de la divinité bouddhiste associée à la compassion, Kannon, par des pêcheurs, les frères Hinokuma, dans le fleuve Sumida s’écoulant à proximité, a racheté, en juillet, pour 20 millions de yens, la ruelle commerçante, connue sous le nom de « Nakamise ». Il en était propriétaire jusqu’en 1871, quand les autorités de l’ère Meiji (1868-1912) l’ont saisie, tout comme le temple lui-même. En 1911, les religieux ont récupéré le temple, mais pas la Nakamise.

En 1943, la gestion de la rue commerçante a été confiée au gouvernement métropolitain de Tokyo, nouvellement créé. Les boutiquiers, qui proposent des souvenirs ou des pâtisseries traditionnelles, parfois depuis plus de cent ans, paient un loyer plus faible que les commerçants des alentours, car ils ne sont pas soumis à des taxes foncières et qu’ils ont pris eux-mêmes en charge la reconstruction de la Nakamise, après les bombardements de Tokyo de mars 1945.

Aujourd’hui, s’estimant lésés par ce qu’ils considèrent comme un oukase des autorités religieuses, les commerçants ont protesté, allant jusqu’à évoquer des faillites. Certains reconnaissent bénéficier de conditions avantageuses et ne sont pas hostiles à une hausse. Mais ils regrettent une décision « soudaine » et une augmentation « énorme ».

Du côté du temple, on se dit prêt au dialogue. « Nous aimerions discuter, car nous souhaitons préserver la Nakamise », affirme le porte-parole, qui observe cependant que « la proposition de hausse a été formulée avec l’idée que les commerçants pourraient l’accepter ».