L’encadrement des stages en entreprise est un sujet de polémique récurrent. Ici en 2015, sept membres de Génération précaire investissaient les locaux de My Little Paris, start-up de la mode qui tournait alors avec « 40 % de stagiaires ». / Matteo Maillard | Le Monde

La loi sur l’encadrement des stages a été égratignée le 30 novembre par un discret décret, signé par Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Pas de démantèlement de l’encadrement, promis puis instauré par François Hollande sous le précédent quinquennat, mais un coup de rabot significatif sur les règles auxquelles devaient se soumettre les établissements d’enseignement pour établir des conventions de stage à leurs étudiants.

Dans le but de mettre fin au recours à répétition de stagiaires par des entreprises, la loi du 10 juillet 2014 avait fixé un cadre précis, notamment une durée maximale de six mois, une gratification obligatoire, la désignation d’un tuteur en entreprise et d’un référent au sein de l’établissement de formation. La loi limitait également à seize le nombre d’étudiants encadrés par un enseignant référent. Une formation attelée à un stage devait offrir un minimum de deux cents heures de cours suivis en classe ou en amphithéâtre par l’étudiant.

Ce sont ces deux derniers points que le décret du 30 novembre modifie : un enseignant pourra encadrer jusqu’à vingt-quatre élèves et le volume pédagogique minimal en présence de l’étudiant se réduit comme peau de chagrin, à une cinquantaine d’heures par année universitaire.

Casse-tête

L’allégement de l’encadrement « est une demande que nous avons faite au ministère de manière récurrente et insistante, dit Anne-Lucie Wack, présidente de la Conférence des grandes écoles. Le problème de ce texte, c’est qu’il encadre des réalités différentes. Un stage ouvrier, un stage de 2e année d’une durée de quelques mois ou un stage de fin d’études ne répondent pas aux mêmes besoins pédagogiques ». La loi, elle, est la même pour tous et a engendré « un véritable casse-tête pour les établissements soucieux de la respecter. »

La très forte de baisse du nombre d’heures de cours (de deux cents heures à cinquante) que les étudiants doivent suivre au sein de leur établissement permet aux universités comme aux grandes écoles de replacer leurs pratiques dans le cadre de la loi. « Les étudiants qui font le choix d’un stage durant une année de césure auraient été contraints de le faire à proximité de leur établissement alors que leur projet est souvent de passer un an à l’étranger », explique Mme Wack.

Même soulagement au sein des universités : « Le texte bloquait un certain nombre de diplômes universitaires (DU) ainsi que la mise en place de césures en imposant un temps de présence à l’université incompatible avec les projets des étudiants », affirme Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d’université. « Alors que nous sommes de plain-pied dans l’ère du numérique, il est contradictoire d’imposer un face-à-face étudiant/enseignant comme seul mode pédagogique », ajoute la présidente de la CGE.

Aubaine

Quant à l’augmentation de 50 % du nombre d’étudiants-stagiaires par enseignant référent, elle répond à « un problème des plus petits établissements qui ont un personnel en nombre insuffisant pour être simplement en mesure de respecter la proportion imposée par la loi », explique M. Roussel.

Les grandes écoles et les universités ne sont pas les seuls établissements à se réjouir d’un allègement des contraintes de la loi. Des entreprises ont fait du conventionnement de stages un business en proposant aux étudiants des conventions pour des sommes allant de 400 à 550 euros. Pour elles aussi, cette diminution des contraintes est une aubaine.

« Mais la loi telle qu’elle était n’a pas mis fin aux affaires de ces officines » souligne Gilles Roussel. « On ne peut pas punir et bloquer tout le monde pour régler quelques cas particuliers », tranche Anne-Lucie Wack.

Du côté des élus étudiants, le moindre encadrement des stages n’est en revanche pas apprécié. Pauline Raufaste, vice-présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), rappelle pourquoi la loi a été votée : « Beaucoup d’entreprises usaient des stages pour contourner le droit du travail en s’octroyant par ce biais une main-d’œuvre peu chère, sans encadrement pédagogique. » Créer un cadre formel avec un volume horaire de cours significatif et le corréler à l’accompagnement d’un enseignant « permet de démontrer que le stage correspond à une réelle formation », rappelle Chaynesse Khirouni, ancienne députée socialiste de Meurthe-et-Moselle et rapporteuse de la loi sur l’encadrement des stages. « Ce n’est pas en diminuant l’accompagnement minimum dont vont bénéficier les étudiants qu’on va améliorer leur qualité pédagogique », s’inquiète encore Jimmy Losfeld, président de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE).