L’ex-directeur général de LafargeHolcim Eric Olsen a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, jeudi 7 décembre, dans le cadre de l’enquête sur la cimenterie de Jalabiya, en Syrie, selon une source judiciaire.

Il a été mis en examen des chefs de financement d’une entreprise terroriste et mise en danger de la vie d’autrui, et placé sous contrôle judiciaire (avec un cautionnement).

Eric Olsen avait été placé en garde à vue mercredi. Celle-ci a été levée. En revanche, celles de l’ancien PDG de Lafarge Bruno Lafont et de l’ex-directeur général adjoint opérations du groupe Christian Herrault, se poursuivent. Deux anciens cadres de Lafarge et un responsable de la sécurité du groupe ont déjà été mis en examen vendredi dernier dans ce dossier.

De l’argent avait été versé à des groupes armés

L’enquête porte sur les conditions dans lesquelles le groupe français, absorbé en 2015 par le suisse Holcim pour former le géant du ciment LafargeHolcim, a maintenu en 2013-2014 ses activités en Syrie dans une zone de conflit tenue notamment par l’organisation de l’Etat islamique (Daech).

Une enquête interne a confirmé que de l’argent avait été versé à des groupes armés. La filiale syrienne de Lafarge, LCS, est aussi soupçonnée d’avoir utilisé des matières premières, du pétrole notamment, venant de territoires contrôlés par Daech.

Les anciens directeurs de LCS Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois ont été mis en examen pour financement du terrorisme, mise en danger d’autrui et violation de la réglementation relative aux relations financières avec l’étranger.

Jean-Claude Veillard, responsable de la sécurité du groupe, et toujours salarié de LafargeHolcim, a été mis en examen pour financement du terrorisme et mise en danger d’autrui. Placés tous trois sous contrôle judiciaire, ils contestent les faits qui leur sont reprochés et rejettent la responsabilité de la poursuite des activités de la cimenterie, mise en service en 2010, juste avant la détérioration de la situation en Syrie, dit-on de sources au fait du dossier.

Selon l’avocat de Jean-Claude Veillard, cet ancien militaire des forces spéciales était au contraire « contre tout accord avec des groupes armés ». Il « n’a jamais eu de pouvoir de décision au sein de la société Lafarge et n’a cessé d’alerter ses interlocuteurs opérationnels », a expliqué Me Sébastien Schapira.

Faire la lumière sur ce que savait Paris

Bruno Pescheux, arrivé en Syrie en 2009, avait demandé son départ en 2013 mais n’a pu partir qu’en juin 2014, trois mois avant la fermeture de la cimenterie, en septembre, a expliqué son avocat, Me Daniel Soulez Larivière. Selon lui, l’ancien directeur de LCS dit avoir informé le siège de Lafarge des contraintes qu’il rencontrait, lequel a décidé malgré tout de maintenir en activité la cimenterie syrienne.

Toujours selon son avocat, il assure que l’argent versé pour permettre aux salariés et aux matières premières de franchir les check-points des groupes armés l’était par l’actionnaire syrien de LCS et que les matières premières étaient achetées à des négociants syriens ayant « pignon sur rue ».

Des organisations non gouvernementales, parties civiles dans ce dossier, souhaitent pour leur part faire également la lumière sur ce que savait le gouvernement français de l’époque sur les activités de Lafarge en Syrie.

Selon des sources au fait de ce dossier, la cimenterie sert maintenant de base aux forces spéciales américaines en Syrie.