Le 5 décembre, Beata Szydlo, alors première ministre de la Pologne, aux côtés de son ministre des finances Mateusz Morawiecki, à Varsovie. / Alik Keplicz / AP

Il se veut le chantre de la « fin du néolibéralisme », d’une « plus juste répartition des fruits de la croissance » et du « patriotisme économique. » Le ministre de l’économie et des finances polonais, Mateusz Morawiecki, 49 ans, va succéder à Beata Szydlo au poste de premier ministre. La direction du parti Droit et Justice (PiS) l’a annoncé jeudi 7 décembre dans la soirée : l’homme devrait faire l’objet d’un vote de confiance du Parlement, le 12 décembre, avant de préparer un plus vaste remaniement ministériel en janvier.

D’après la porte-parole du PiS, Beata Mazurek, ce changement à la tête de l’exécutif vise à faire face à de nouvelles tâches en politique étrangère et intérieure. La nature de ces dernières n’a pas été précisée. Mme Szydlo devait rester au gouvernement, où elle pourrait occuper un poste de vice-premier ministre.

Rien ne prédestinait cet ancien banquier et conseiller économique sous la précédente majorité de centre droit, à s’élever aussi haut dans la hiérarchie du parti, jusqu’à devenir l’atout favori de Jaroslaw Kaczynski, le chef de la majorité ultraconservatrice et véritable homme fort du pays. Inconnu du grand public il y a encore deux ans, M. Morawiecki fut la surprise du premier gouvernement conservateur, à l’automne 2015. Dans une équipe élue sur un programme populiste, dominée par des personnalités radicales et controversées, il devait être un visage modéré, un technocrate rassurant pour les marchés et les investisseurs étrangers.

« Symbiose » avec Jaroslaw Kaczynski

Fils d’une figure emblématique de la lutte contre le communisme au sein de la « Solidarité de combat », la frange radicale du syndicat Solidarnosc, Mateusz Morawiecki a gardé de ses années de jeunesse un farouche anticommuniste et un patriotisme marqué. De 2007 à 2015, il a été le président de la banque WBK, filiale de l’espagnole Santander, où il est remarqué pour ses compétences managériales. Sous sa direction, l’institution devient une des trois banques les plus importantes du pays. En 2010, il rentre au Conseil économique auprès de Donald Tusk, l’ancien premier ministre de centre droit et actuel président du Conseil européen. Il fut même un temps envisagé comme ministre des finances.

Cette partie de sa carrière suscite toutes les animosités au sein du PiS, où on lui colle volontiers l’étiquette d’ancien « bankster » et « collaborateur » des libéraux. Il n’en finit pas moins par adhérer au parti, où il se fera difficilement sa place. Il séduit Jaroslaw Kaczynski, qui confie voir en lui un « visionnaire économique ». Depuis, dans les couloirs de la rue Nowogrodzka, le siège du PiS, on parle de « symbiose » entre les deux hommes, au point où M. Kaczynski l’envisagerait comme successeur à la tête de son mouvement.

« La Pologne sera grande ou n’existera point »

A la tête d’un ministère aux prérogatives accrues, il met en place sa stratégie de « développement responsable », appelée aussi « plan Morawiecki », d’inspiration keynésienne. Il débutera la présentation publique de ce programme par une citation du général Pilsudski, le père de l’indépendance polonaise : « La Pologne sera grande ou n’existera point. » Voilà pour l’ambition.

Considérant que le pays est trop dépendant des capitaux étrangers, il plaide pour une « repolonisation » du secteur bancaire, et rachète certains actifs stratégiques. « C’est un dogme que de dire que le capital n’a pas de nationalité » déclarera-t-il. Porté par une conjoncture économique particulièrement favorable, il s’illustre par une lutte efficace contre la fraude fiscale.

Il met en place une vaste politique d’allocations familiales, promesse phare de campagne du PiS, tout en gardant le budget du pays dans les clous. Il dit vouloir allier une politique résolument « pro business » avec la lutte contre la pauvreté et les disparités régionales qui minent la Pologne.

Adoucir l’image du gouvernement

En parallèle, il se rapproche des ministres les plus modérés du gouvernement. Il garde de bonnes relations avec le président Andrzej Duda, qu’il a soutenu dans sa démarche de veto d’une réforme controversée de la justice. Son pire ennemi au sein du gouvernement reste le ministre de la justice, Zbigniew Ziobro, la bête noire de Bruxelles.

Sa nomination marque une volonté d’adoucir l’image du gouvernement sur la scène internationale, après deux années de réformes radicales qui ont valu à la Pologne une mise au banc de l’UE et l’enclenchement d’une procédure de « sauvegarde de l’Etat de droit ». Contrairement à sa prédécesseur, Beata Szydlo, il manie l’anglais et se sent à l’aise dans les réunions internationales.

Une habilité dont il aura grand besoin, car le bras de fer avec les institutions européennes est loin d’être achevé, et les dossiers brûlants ne manquent pas. Quelques heures avant sa nomination, la Commission européenne a décidé de renvoyer la Pologne, la Hongrie et la République tchèque devant la Cour de justice de l’Union européenne, pour leur refus de se conformer aux accords établissant des quotas d’accueil de migrants.