La console Atari Flashback Portable. / William Audureau / Le Monde

Après le succès de la NES Mini et la SNES Mini, celui de l’Atari Flashback Portable ? Surfant sur la vague des rééditions miniaturisées de vieilles consoles, Atari avait annoncé en septembre la sortie d’une élégante Atari 2600 nomade, avec esthétique vintage et coque imitation bois. Un retour attendu pour une console qui a régné sur l’imaginaire occidental de 1977 à 1986, et permis à de nombreux joueurs de découvrir à domicile Breakout, Space Invaders ou encore Asteroids.

Las, sa sortie a été repoussée au dernier moment à mars 2018. C’est donc vers l’ancien modèle encore en vente, l’Atari Flashback Portable, que les testeurs masochistes de Pixels se sont tournés.

La société AT Games s’est spécialisée dans les rééditions bas de gamme. / ATGames

Produit très bas de gamme

Quiconque chercherait ici la qualité de finition des rééditions Nintendo, ou ne serait-ce que l’élégance boisée vendue par Atari, risque de très vite déchanter. La Flashback Portable arbore une petite coque noire générique en PVC premier prix et des boutons grossiers de jouet électronique pour nourrisson. Pour 60 euros, on peut ne pas s’en émouvoir, mais autant l’avoir en tête : l’Atari Flashback Portable évoque davantage un prix de pêche aux canards en plastique qu’un objet hi-tech.

Plus gênant, l’écran est à l’avenant, avec sa diagonale restreinte, ses noirs bleuâtres, ses reflets et sa lumière blafarde agressive, très loin des standards actuels. Ce n’est qu’après un premier temps d’adaptation – passé, au choix, à cligner 18 fois des yeux, enfiler des lunettes de soleil ou commander à titre préventif un livre d’introduction au braille – que l’on commence peu à peu à se plonger dans le vif du sujet.

Bout de plastique en main, les premières parties sont particulièrement chaotiques, et il faut un nouveau temps d’adaptation pour se faire cette fois à l’ergonomie. Dire qu’un peu d’optimisation aurait été possible est un doux euphémisme. Des six boutons, un seul sert vraiment à jouer, les autres correspondant à d’antiques fonctions, comme le réglage de la difficulté ou le choix entre un affichage couleur ou monochrome. La touche R sert à ajuster le niveau de difficulté pour le second joueur, sauf que… la console ne se joue que seul.

Le « Pong » de la rivière Kwaï

Passé un certain nombre de ruminations sur ce qu’il aurait été possible d’acheter avec ces 60 euros, l’utilisateur perplexe en vient enfin à l’essentiel : les jeux. La console en intègre 70, dont de nombreux classiques, qui sont sa principale raison d’être. Parmi eux, certains ont relativement bien vieilli, comme le jeu de tir Asteroids, minimaliste mais efficace, ou l’immortel Breakout, meilleur jeu de l’année 1976.

On y trouve également quelques belles trouvailles, comme le jeu d’exploration spatiale Solaris, sorti en 1986 et techniquement bluffant à l’époque.

A l’inverse, Pac-Man, développé en quatrième vitesse et déjà jugé catastrophique à l’époque, n’a pas changé : les éléments visuels clignotent à l’écran, rendant l’action illisible. Pong n’a guère bien vieilli non plus. Quant à Space Invaders, il est tout simplement absent, même s’il est possible d’importer des fichiers avec une carte SD.

Une réédition très fidèle : « Pac-Man » sur Atari 2600 était très mauvais, et il l’est toujours autant. / AT Games

Vieille photo de famille

A défaut d’y jouer avec l’entrain d’un enfant des années 1970 ou 1980, il existe un certain plaisir à redécouvrir ces antiquités, comme on caresserait une vieille photo de famille jaunie (mais qui clignoterait en vous aveuglant) dans l’armoire à souvenirs d’un aïeul.

On peut éprouver une certaine émotion à se lancer dans l’influent Adventure, qui avec son château labyrinthique et ses portes verrouillées, pose les premières briques du jeu d’aventure à la Zelda. De même pour le succès phare de 1982, Pitfall, jeu de plate-forme à l’ambiance Indiana Jones, qui est à la fois le précurseur de Super Mario Bros. et le lointain ancêtre d’Uncharted. Autant d’aïeux des jeux que l’on connaît aujourd’hui.

Papy « Pitfall », à l’époque où il faisait de l’acrobranche, en 1982.

C’est, malgré la grossièreté de l’objet, la beauté de l’expérience : à chaque écran qui se lance, une fenêtre s’ouvre sur la fin des années 1970 et le début des années 1980. Comme si le temps d’un clignement de paupière, l’iris s’imprégnait d’une décennie perdue, instantané de ce monde de 1984, capturé en série TV par Halt & Catch Fire ou Stranger Things. Et puis le battement de cil prend fin.

La paupière retombe assez vite, tentée de s’assoupir, face aux bips-bips languissants et au rythme « molletonneux » de ces jeux d’un autre siècle. L’exemple vaut ce qu’il vaut : le cobaye de presque 6 ans à qui l’on a soumis l’Atari Flashback Portable s’en est désintéressé en moins de deux minutes chrono, pour quémander une partie de Switch à la place.

En bref

On a aimé :

  • c’est toujours sympa, un musée ;
  • la valeur historique indéniable de certains jeux ;
  • la boîte est réussie.

On n’a pas aimé :

  • la qualité en toc ;
  • l’ergonomie générale confuse ;
  • l’écran qui pique les yeux ;
  • la plupart des jeux ont très mal vieilli.

C’est plutôt pour vous si :

  • vous portez encore des cols roulés ;
  • vous êtes en L1 histoire du jeu vidéo ;
  • vous collectionnez les objets vidéoludiques bizarres ;
  • vous êtes quand même nostalgique de votre vieille Atari.

Ce n’est plutôt pas pour vous si :

  • vous aviez gardé un bon souvenir de votre vieille Atari ;
  • vous prévoyiez d’utiliser vos yeux quelque temps encore ;
  • vous pensez acheter un produit haut de gamme. Ou moyen de gamme.

La note de Pixels

Offrez plutôt une boîte de chocolat/10