Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique et solidaire, devant les patrons français, au siège du Medef, à Paris, lundi 11 décembre. / BENOIT TESSIER / REUTERS

C’est une véritable offensive médiatique que mènent les entreprises à la veille de la tenue du One Planet Summit, le sommet international sur le climat organisé à Paris à l’initiative d’Emmanuel Macron, mardi 12 décembre. Ainsi, le futur de la planète est omniprésent dans la communication de grandes sociétés, dans leurs publicités comme dans leurs communiqués de presse.

A l’occasion du Climate Finance Day, qui s’est tenu lundi 11 juste avant le sommet, le Medef organisait une conférence à son siège parisien pour présenter « l’engagement de 91 entreprises françaises pour le climat » (French Business Climate Pledge). En 2015, lors de la COP21 à Paris, elles n’étaient que 39 à s’engager dans cette voie, a rappelé Pierre Gattaz, le président du Medef. « Le temps de l’incantation est derrière nous, nous sommes dans la mise en œuvre concrète des solutions », a-t-il assuré.

Dans les colonnes du Monde (12 décembre), Jean-Pascal Tricoire, le patron de Schneider Electric, l’un des principaux initiateurs de cet engagement, rappelle que la lutte contre le changement climatique est « un sujet politique qui intéressait peu les entreprises quand Schneider Electric s’y est engagé, il y a quinze ans ».

« Métamorphose des entreprises en faveur du climat »

Ces relations tendues entre économie et écologie, Nicolas Hulot ne s’est pas privé de les rappeler devant le parterre de patrons réuni dans les locaux du Medef, lundi matin, lui qui en a été l’un des emblèmes avant de devenir ministre de la transition écologique et solidaire. « Il y a quelques années, personne n’aurait pu imaginer cette métamorphose des entreprises en faveur du climat. Parfois, il faut un peu de temps pour accorder nos violons », a-t-il commenté.

Se félicitant donc de l’évolution, le ministre a continué d’argumenter en faveur du changement de paradigme de l’économie française, plaidant pour « les bases d’une nouvelle société », rappelant que dans « économie », il y a « économiser ». Ce qui signifie, selon lui, « émancipation » des énergies fossiles, neutralité carbone, économie circulaire…

Car l’urgence climatique a été plusieurs fois réaffirmée lors de cette rencontre. « Le temps n’est plus au débat, il est à l’action », a insisté Nicolas Hulot en appelant à « la mobilisation générale » : « Cet horizon, c’est le seul possible pour envisager un avenir apaisé, sans conflit, sans les inégalités et la pauvreté accrues par les désordres climatiques. (…) Ignorer les enjeux climatiques, c’est se mettre en situation de conflit », a-t-il fait valoir.

Appuyant « là où ça fait mal », selon ses propres termes, le ministre a en outre vivement incité les entreprises et le Medef à « respecter les règles du jeu » :

« Le monde économique ne peut plus jouer contre son camp. Il ne peut plus se permettre le scandale des moteurs truqués, les fraudes aux quotas de CO2, les tentatives d’influencer la science. »

« C’est plus qu’une obligation, c’est une promesse à nos enfants et on ne ment pas aux enfants », a conclu Nicolas Hulot, avant de confier en aparté vouloir croire à cette évolution. « Je vous prends au mot », a d’ailleurs lancé aux patrons français cet ancien président d’une fondation portant son nom qui a toujours su entretenir de bonnes relations avec de grandes sociétés. EDF, TF1 et L’Oréal ont même été des partenaires historiques de la FNH lors de ses débuts, en 1990.

Par ailleurs, M. Hulot a plaidé pour l’économie sociale et solidaire, une priorité pour lui au point de demander son rattachement à son ministère lors de sa nomination. Il a annoncé qu’il préparait avec le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et son homologue chargée du travail, Muriel Pénicaud, « avec l’aval du président de la République », une évolution de l’objet social des entreprises.

Cette réforme, qui entraînerait une modification du code civil, introduirait les principes de l’économie sociale et solidaire dans les statuts mêmes de l’entreprise, afin de réconcilier « performance économique et intérêt général ». Pour le ministre, la fonction des entreprises « ne peut plus être le simple profit, sans considération aucune pour les femmes et les hommes qui travaillent, sans regard sur les désordres environnementaux ».

Pendant ce temps-là, devant le ministère de l’économie où se tenait le Climate Finance Day, des militants des Amis de la Terre et d’Action non-violente-COP21 menaient une action de protestation. Ils voulaient dénoncer la politique de la Société générale qui persiste, selon eux, à « financer directement et indirectement les énergies fossiles les plus risquées pour le climat et les droits humains ». Ils voulaient aussi réclamer « son retrait définitif des projets de terminal de gaz naturel liquéfié Rio Grande LNG et le double pipeline de gaz de schiste Rio Bravo au Texas ».

Mardi, au petit jour, plusieurs centaines de personnes sont attendues place du Panthéon (dont des militants venus de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes) à l’appel de la plupart des associations de défense de l’environnement et du combat climatique. Celles-ci dénoncent non seulement le comportement de certaines entreprises, mais aussi le manque d’ambition du Sommet climat du 12 décembre. Mission pour les participants : former une « gigantesque vague bleue pétrole, symbolisant les énergies du passé, les projets climaticides et les grands projets inutiles et imposés ».