Le président russe, Vladimir Poutine, en présence de Bashar al-Assad, le 11 décembre, sur la base militaire russe de Hmeimim. / SPUTNIK / REUTERS

Pour la première fois depuis l’intervention militaire russe, lancée en septembre 2015 en soutien au régime de Bachar Al-Assad, Vladimir Poutine a posé le pied en Syrie. En route pour l’Egypte, où il a rencontré lundi 11 décembre son homologue Abdel Fattah Al-Sissi, le chef du Kremlin a fait cette escale surprise sur la base russe de Hmeimim, pour ordonner le retour de ses troupes « à la maison, en Russie ». « Je crois que nous avons quelque chose à fêter, je parle de notre travail en commun », a-t-il déclaré au dirigeant syrien, venu l’accueillir avec effusion à sa descente, tôt dans la matinée, d’un Tupolev 214.

Le président russe a salué les militaires russes rassemblés au garde-à-vous, les félicitant pour leur « travail (…) contre ce mal absolu qu’est le terrorisme » : « La Syrie est préservée en tant qu’Etat souverain indépendant, a-t-il poursuivi. En un peu plus de deux ans, les forces armées russes, avec les forces syriennes, ont détruit le groupe le plus efficace des terroristes internationaux. »

Bien que le nombre de militaires russes engagés sur le terrain, évalué à plusieurs milliers, n’ait jamais été communiqué, M. Poutine les a nommés : « Les pilotes, les marins, les forces des opérations spéciales, le renseignement, l’administration militaire et logistique, la police militaire, les services médicaux, les démineurs, les conseillers de l’armée syrienne, ont montré les meilleures qualités du soldat russe. » Les « pertes », tout aussi inconnues, ont, elles aussi, été citées.

Un départ déjà annoncé en 2016 et en novembre

L’annonce est venue ensuite. « J’ai pris la décision qu’une grande partie du contingent déployé (…) retourne à la maison, en Russie. » Le chef de l’Etat russe l’avait en réalité déjà formulée, quasi mot pour mot, le 14 mars 2016, au Kremlin. « Les buts assignés au ministère de la défense ont été atteints. Je donne l’ordre, à partir de demain, de commencer le retrait de la partie principale de notre groupe militaire en Syrie », avait-il dit en présence du ministre de la défense, Sergueï Choïgou. A deux reprises, au mois de novembre, M. Poutine avait également proclamé la fin des opérations militaires en Syrie.

Lundi, toutefois, le chef du Kremlin a pris la précaution de préciser que les deux bases russes en Syrie continueraient à fonctionner : « Si les terroristes redressent de nouveau la tête, nous les frapperons avec une force jamais encore vue », a-t-il promis. Ce retrait partiel, commente fort justement Dmitri Trenin, responsable du cercle de réflexion Carnegie, en Russie, marque la fin d’une campagne, « pas celle de la présence militaire russe et de son implication politique dans la région ». En Russie, les regards se tournent de plus en plus aussi vers la Libye.

En se rendant un court instant sur place, en Syrie, M. Poutine a surtout voulu s’arroger la « victoire » proclamée contre l’organisation Etat islamique (EI), bien que les principaux succès militaires contre le groupe djihadiste aient été remportés par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une force arabe kurde soutenue par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis, qui a notamment repris, au mois d’octobre, Rakka, la « capitale » syrienne du « califat ».

D’abord « grâce à l’action de la coalition »

« Je trouve parfois un peu étonnant que la Russie s’approprie la victoire contre Daech [acronyme arabe de l’EI] », avait commenté, dès le 8 décembre, sur BFM, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la défense français. Le recul du groupe djihadiste, avait-il ajouté, a été possible « grâce à l’action de la coalition, grâce aussi, sur la fin, à celle du régime de Damas, soutenu par la Russie, mais uniquement à la fin ».

A la veille de la visite de M. Poutine en Syrie, Moscou a vertement repris le ministre français en qualifiant ses propos d’« étranges ». « Le fait que l’EI soit vaincu en Syrie est un mérite qui revient avant tout aux dirigeants syriens et aux troupes gouvernementales », fustige le ministère de la défense russe dans un communiqué publié dimanche.

« Avec le soutien de l’aviation russe, l’armée syrienne a libéré des centaines de lieux habités des terroristes de l’EI et a repris le contrôle légitime de presque tout le territoire du pays, poursuit-il. En trois d’existence, la coalition internationale n’est parvenue que récemment à un premier résultat (…) avec la destruction de Rakka et de ses habitants. »

Une nouvelle bataille commence, de communication cette fois, avant que ne s’ouvre le volet politique pour tenter de trouver, sous les auspices de l’ONU, une issue à la guerre sanglante de Syrie qui ravage le pays depuis déjà six ans.