A chaque année, ses nouvelles formes d’escroqueries financières de grande envergure, qui flouent des milliers d’épargnants à coup de publicités mensongères, largement diffusées sur Internet, par courriel ou par téléphone. L’année 2016 n’a pas échappé à la règle. Elle a notamment vu l’émergence d’une fraude aux diamants, constate la cellule de renseignement financier française Tracfin, dans son rapport annuel dévoilé mardi 12 décembre.

Il s’agit d’une fraude commise « en bande organisée », par des réseaux criminels spécialisés dans les escroqueries sophistiquées, dont le champ d’action se déplace d’une année à l’autre (faux ordres de virement, plates-formes d’achat-vente sur les marchés financiers…), avertit Tracfin. Des particuliers se voient proposer d’investir dans des diamants qui soit n’existent pas soit possèdent une valeur très inférieure à celle affichée sur de faux certificats.

Très attendu, le rapport Tracfin effectue chaque année l’état des lieux de la menace criminelle en matière financière en France, en mettant en garde les professions soumises à l’obligation de déclaration de soupçons (banques, compagnies d’assurance, changeurs manuels, notaires, experts-comptables etc.) contre les grands risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

« Des diamants dans des ports francs »

Et cette année, donc, les offres frauduleuses de placement en diamants occupent une place à part dans la typologie des nouvelles escroqueries identifiées sur le territoire français, aux côtés des fraudes aux certificats d’économie d’énergie (CEE), également en plein boum – ce dispositif public conçu pour développer les travaux d’économies d’énergie mais détourné par les organisations criminelles comme le furent les quotas de carbone –, ou encore de la fraude aux prélèvements dénommés SEPA – une arnaque consistant à exploiter les failles réglementaires de la libre circulation des capitaux en Europe.

« Les mêmes personnes ou les mêmes organisations qui s’étaient mises sur le marché des paris spéculatifs sur le marché du Forex [le marché mondial des devises] ont continué à innover et interviennent aujourd’hui sur le marché des investissements en diamants, explique Bruno Dalles, le directeur de Tracfin. Les mêmes méthodes produisent les mêmes effets, à ceci près que le diamant fournit aux escrocs un argumentaire convaincant, puisqu’il s’agit d’une matière première tangible et théoriquement dotée d’une grande valeur. »

« L’escroquerie fonctionne d’autant mieux que ces réseaux proposent aux épargnants de maximiser leur profit, en conservant pour eux leurs diamants dans des ports francs en franchise de TVA, situés hors du territoire français », ajoute Bruno Dalles. Le fait qu’il n’existe pas de cotation des diamants à laquelle se référer ajoute au problème.

Des offres « illégales »

Si l’ampleur de la fraude n’est pas chiffrée, les montants des sommes détournées par ces sociétés de courtage en pierres précieuses ou ces sociétés d’investissement seraient déjà très importants et les victimes nombreuses, comme en atteste de son côté l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui, de son côté, alerte les épargnants sur le caractère frauduleux de ce type de placements prétendument gagnants et publie sur son site la liste des sites à prohiber.

De fait, toutes les sociétés qui proposent sur le territoire français d’acquérir des droits sur des biens (vin, diamant, terres rares, etc.), en mettant en avant la possibilité d’un rendement, sont désormais soumises au régime de l’intermédiation en biens divers et à ce titre, leur offre doit disposer d’un numéro d’enregistrement délivré par l’AMF.

Or aucune des offres commercialisées en France que ce soit dans le diamant d’investissement, les terres rares ou les métaux précieux n’a reçu de numéro d’enregistrement. « Toutes sont donc illégales », indique-t-on à l’AMF, qui reçoit un nombre croissant de demandes d’informations ou de réclamations depuis le début de l’année.

L’AMF n’ayant pas compétence pour traiter des réclamations sur des sociétés qu’elle n’a pas agréées, elle réoriente ces dernières vers le juge pénal.

Financement du terrorisme

En marge de la lutte contre ces nouvelles escroqueries, Tracfin a une nouvelle fois accéléré en 2016 ses interventions contre le financement du terrorisme. Ainsi, le service anti-blanchiment a reçu et analysé 1 177 informations relatives à ce sujet, soit un volume en hausse de 47 % par rapport à 2015. Il a relayé un total 396 notes, transmises principalement à d’autres services de renseignements ou parfois aux autorités judiciaires.

L’activité de Tracfin dans ce domaine couvre l’ensemble du spectre, depuis les signaux dits « faibles » précédant un départ pour le djihad, jusqu’aux opérations de retour de combattants de la zone de conflit.

Tracfin n’a recensé que peu de cas de retour en France de combattants djihadistes – en lien avec un nombre de « revenants » relativement faible – mais a « notamment enquêté sur des récoltes de fonds par le biais de cagnottes en ligne créées pour financer le retour de combattants », précise le rapport.