Michael Bloomberg, Bill Gates et et Arnold Schwarzenegger lors du discours d’Emmanuel Macron au One Planet Summit, à Boulogne-Billancourt, le 12 décembre 2017. / OLIVIER LABAN-MATTEI / MYOP POUR LE MONDE

Un thermomètre au niveau de mercure incontrôlable, le tic-tac implacable d’un chronomètre, les déclarations alarmistes des grands acteurs de la lutte contre le réchauffement… Le résumé du One Planet Summit, projeté mardi 12 décembre en clôture du sommet, a usé de tous les symboles pour rappeler l’urgence à œuvrer contre le dérèglement climatique. « Le défi de notre génération est d’agir, agir plus vite et gagner cette bataille contre le temps », avait exhorté à son arrivée à La Seine musicale, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), le chef de l’Etat français, à l’initiative de ce rendez-vous qui marque l’anniversaire des deux ans de l’accord de Paris.

« On a commencé aujourd’hui à rattraper un peu de terrain sur ce champ de bataille », a prêché Emmanuel Macron dans la soirée, fermant le ban après l’intervention d’une centaine d’intervenants, chefs d’Etat et de gouvernement, élus locaux, entrepreneurs, banquiers ou philanthropes. Le président a promis la création d’un site Web, d’ici la fin de l’année, pour recenser ces divers engagements et s’assurer de leur mise en œuvre. Il a aussi évoqué la perspective d’un One Planet Summit annuel, de préférence ailleurs qu’en France.

Quelques annonces significatives ont jalonné ce rendez-vous consacré à la mobilisation de la finance publique et privée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Celle notamment de la Banque mondiale, coorganisatrice du sommet, qui a promis d’arrêter de financer, après 2019, l’exploration et l’exploitation de pétrole et de gaz, sauf « circonstances exceptionnelles ». Elle est la première banque multilatérale à tenir un discours aussi clair face au secteur des énergies fossiles, qui représente 5 % des fonds qu’elle a accordés en 2016.

« Notre perte »

Soutenir les énergies fossiles, c’est « investir dans notre perte », a souligné Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, autre coorganisateur de la rencontre. Le vice-premier ministre chinois, Ma Kai, a confirmé, pour sa part, l’ouverture imminente d’un marché national du carbone, le plus grand du monde. « Il faut des rendez-vous comme celui-ci, car c’est au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement que les grands changements peuvent s’opérer, soutient Pascal Canfin, le directeur général du WWF France. En cela, le One Planet Summit est un sommet utile, même s’il n’est pas suffisant. »

L’événement a joué aussi un rôle de caisse de résonance pour plusieurs acteurs économiques français. Ainsi le groupe AXA y a annoncé qu’il allait désinvestir 2,4 milliards d’euros de ses actifs dans le charbon et 700 millions d’euros de ses actifs dans les hydrocarbures issus des sables bitumineux. L’assureur compte notamment exclure de ses activités les entreprises produisant plus de 20 millions de tonnes de charbon par an. Les géants de ce secteur comme Glencore ou Anglo American en font partie.

Les ONG, en revanche, ont dû se contenter d’un rôle de spectateur. Aucun espace dédié ne leur était réservé et, hors la projection d’un film réalisé par Avaaz, aucune possibilité d’intervention ne leur a été offerte dans cet emploi du temps contraint. Elles se sont montrées dubitatives sur les résultats de cette réunion de haut niveau. Toutes, les plus « modérées » comme les plus exigeantes, ont manifesté leur désappointement, critiquant en substance des annonces nombreuses et peu lisibles, reposant sur des engagements déjà anciens.

« Les Etats n’ont guère pris d’engagements à la hauteur de l’urgence. Pas assez, pas assez vite, inadaptés, cela ne changera pas la donne », estime Maxime Combes, d’Attac

Les membres de la coalition Océan & Climat notamment ont dénoncé l’absence de leurs thématiques durant cette journée. « A l’exception de Nicolas Hulot qui a cité les coraux, rien n’a été dit ou annoncé pour les océans, sur leur rôle de régulation du climat, des écosystèmes ou encore l’importance de la biodiversité », a pesté Antidia Citores, vice-présidente de cette plate-forme et membre de la fondation Surfrider.

Dans les couloirs de La Seine musicale, Maxime Combes, d’Attac, un habitué des conférences climat, n’a pas caché son amertume. « Les Etats n’ont guère pris d’engagements à la hauteur de l’urgence. Pas assez, pas assez vite, inadaptés, cela ne changera pas la donne, estime-t-il. Le pas, positif, franchi par la Banque mondiale, souligne encore plus l’insoutenable inertie des institutions financières européennes, françaises. Ce désengagement des énergies fossiles aurait dû venir aussi de la Banque européenne d’investissement et de la Caisse des dépôts et consignations qui continuent de les financer. »

« La France n’a pas saisi l’occasion du sommet pour annoncer un calendrier de suppression, à la fois du soutien public aux énergies fossiles et des 7 milliards d’euros de son budget qui chaque année viennent les soutenir », a aussi insisté le Réseau action climat dans un communiqué.

Beaucoup de militants doutaient par avance de l’efficacité et des résultats du One Planet Summit voulu par l’exécutif français. Dès 8 heures, ils étaient environ 300, d’une trentaine d’organisations de défense de l’environnement et de la lutte climatique, à s’être donné rendez-vous place du Panthéon, à Paris. « Pas un euro pour les énergies du passé », proclamait la grande banderole tendue par les manifestants. D’autres écriteaux revendiquaient la fin du nucléaire, de l’agro-business ou encore « des salades dans nos cours, pas dans les discours ».